Projet de recherche B2/191/P1/DESIRED (Action de recherche B2)
DESCRIPTION DU PROJET
Le but premier du projet DESIRED est de tracer la source et d’étudier la distribution d’éléments sidérophiles (incluant l’or (Au), les éléments du groupe du platine (PGE: Os, Ir, Ru, Rh, Pt, Pd) et le rhénium (Re)) dans les roches terrestres et les météorites afin de mieux contraindre les processus de différenciation planétaire et la formation de gisements d’importance mondiale. Du fait de leur appauvrissement particulièrement important (de plusieurs ordres de grandeur) dans la croûte et le manteau par rapport à l’abondance relative dans le système solaire, les éléments sidérophiles sont également (re)connus comme métaux précieux. Les gisements économiques de ces métaux résultent généralement de l’érosion de roches (ultra)mafiques qui reflètent des domaines mantéliques potentiellement distincts.
Il a été démontré que des éléments sidérophiles sont particulièrement utiles pour étudier la nature isotopique du matériel à l’origine du processus d’accrétion de la Terre au cours du temps. Le “late veneer”, qui est un ajout tardif de matériel météoritique à La Terre après la différenciation noyau-manteau, est un événement particulièrement intéressant à cet égard. En contraignant la contribution du “late veneer” et de domaines mantéliques spécifiques – lesquels sont échantillonnés/étudiés au travers de roches magmatiques archéennes d’âges divers et caractérisées par des concentrations en éléments sidérophiles différentes – une contribution météoritique pré-“late veneer” pourrait être tracée et identifiée. Cette dernière serait particulièrement cruciale pour affiner les connaissances relatives à la “construction” de la Terre, unifier des données et observations contrastées issues de différents proxies isotopiques (contributions riches en volatiles ou non) et améliorer notre compréhension des caractéristiques uniques de notre planète, y compris la présence d’eau et d’autres volatiles, d’un champ magnétique, de la tectonique des plaques et de la vie. En étudiant une combinaison unique d’abondances élémentaires (Cr, Co, Ni, Mo, PGE, W, Re, Au) et de rapports isotopiques (Cr, Ni, Mo, Ru, Os, W), le projet DESIRED peut être résumé comme suit:
1er objectif: Ce projet vise tout d’abord à déterminer l’origine des gisements de classe mondiale de métaux précieux (PGE et Au) du Craton du Kaapvaal (Afrique du Sud) et le transfert de ces éléments depuis les réservoirs magmatiques à la croûte en étudiant une sélection de roches magmatiques mafiques (et des shales associés) datées de ~3.5 à ~2 milliards d’années. Le Craton du Kaapvaal est unique parmi les cratons archéens de par son enrichissement exceptionnel en différentes ressources métalliques. En dépit de cette importance économique significative, aucun modèle génétique global a été établi pour expliquer les anomalies géochimiques observées dans le Craton. Le premier objectif est donc de préciser la signature isotopique de ces minéralisations et de déterminer si elles se rapprochent de la signature du “late veneer” ou d’un pré-“late veneer”, possiblement en relation avec des domaines mantéliques anormales d’un point de vue géochimique. De tels domaines pourraient refléter des reliquats d’une différenciation noyau-manteau incomplète dans les premiers moments de la planète ou l’addition plus tardive de matériel extraterrestre non-différencié.
2ème objectif : Afin de distinguer le signal isotopique d’un événement pré-« late veneer » du « late veneer », un ensemble de météorites doit être étudié pour déterminer quelles sont les informations spécifiques apportées par les proxies isotopiques utilisés. En se basant sur la concentration absolue d’éléments choisis dans ces météorites, sur leurs compositions isotopiques et leurs coefficients de partage à haute pression et température, la contribution de certains types de météorites à la formation de la Terre à des stades précoces et plus tardifs peuvent être discriminés. Tandis que différents éléments indiquent qu’une large part de ce matériel était très proche isotopiquement des chondrites à enstatite, des travaux récents ont rapportés des signatures recoupant celles des chondrites carbonées de type CI dans l’accrétion tardive suivant la formation du noyau. Ces interprétations impliquent que le « late veneer » a pu prendre sa source dans le Système Solaire lointain mais être d’une masse inférieure à ce qui était précédemment estimé. Pour réaliser cet objectif, un soin particulier sera porté sur des météorites à enstatite (chondrites à enstatite s.s. et aubrites), des chondrites carbonées et des achondrites.
3ème objectif : Pour étudier le flux extraterrestre ancien sur La Terre, plusieurs des proxies isotopiques développés pour les deux premiers objectifs seront également appliqués pour étudier des carbonates phanérozoïques belges qui montrent des enrichissements en Cr et donc la possible accumulation de matière extraterrestre, par exemple comme poussière cosmique. Cet objectif du projet DESIRED permettra d’évaluer si les signatures isotopiques liées aux bombardements météoritiques sont préservées au cours du temps et peuvent donc aider à mieux comprendre les signatures préservées au sein des séries géologiques.
4ème objectif : Le projet DESIRED vise finalement à augmenter et améliorer les activités de curation des météorites antarctiques au sein de l’IRSNB. Grâce à deux missions de récoltes de météorites planifiées dans le cadre de ce projet (2021-2022 et 2022-2023), la taille de la collection (>1200 spécimens à ce jour) devrait augmenter considérablement, permettant d’assurer la présence d’une masse de météorites suffisante pour appliquer les méthodes isotopiques de haute précision prévues pour atteindre le second objectif.
En intégrant ces quatre objectifs, notre consortium vise à mieux contraindre les processus naturels menant à l’enrichissement en éléments sidérophiles et à lier l’hétérogénéité du manteau aux processus de différenciation précoces ou d’accrétion tardive. Le projet DESIRED se base sur une expertise analytique bien établie dans les institutions partenaires. La mesure des rapports isotopiques, réalisée au sein du laboratoire G-Time de l’ULB, sera couplée à l’étude des concentrations en PGE, Au et Re, mesurées à la fois de façon in situ et également en roche totale par la VUB afin de fournir des outils appropriés pour répondre à toutes les questions scientifiques soulignées avant. Dans le même temps, les analyses minéralogiques et l’interprétation métallogénique relative aux données obtenues seront supervisées par l’IRSNB. Le projet DESIRED renforcera donc considérablement les synergies existantes actuellement entre les trois institutions partenaires bruxelloises (VUB, ULB et IRSNB) et aidera le collaborateur sud-africain – au début de sa carrière académique – à établir un réseau scientifique international