Projet de recherche B2/191/P2/NaPol-Intel (Action de recherche B2)
Le projet NaPol-Intel se penche sur les processus de centralisation des services de police belges et leur impact sur l’information policière, de la fin de la Première Guerre mondiale aux début des années 1960. La Belgique du 19ème siècle se caractérise par une forte tradition d’autonomie locale. Les polices communales, dépendant des bourgmestres, effectuent l’essentiel des tâches « régulières » de police, tandis que la Gendarmerie y joue encore un rôle de second plan. Après la Première Guerre mondiale, dans un contexte socio-politique de plus en plus tendu, on assiste à une centralisation accrue des services de police au niveau national, avec notamment la création de la Police générale du Royaume, en 1934. La seconde occupation allemande et l’après Deuxième Guerre mondiale voient ces processus de centralisation se renforcer encore davantage. Avec le vote de la loi organique de la Gendarmerie, en 1957, ce corps s’affirme comme un maillon central du système policier belge.
L’objectif de ce projet est d’analyser les liens entres les transformations de la société belge et la centralisation des services de police durant une période caractérisée par une contradiction fondamentale faisant cohabiter un processus de démocratisation et de pacification des relations sociales en même temps qu’une émergence de forces antagonistes de plus en plus radicales. Il s’agit aussi d’examiner la façon dont l’information policière est créée, gérée et utilisée en même temps que la manière avec laquelle les données récoltées ont amené à façonner et à légitimer les politiques et les pratiques policières et sécuritaires. Deux axes centraux ont été définis en vue d’investiguer ces questions : le maintien de l’ordre public et la préservation de l’ordre moral. Ces deux thèmes doivent permettre de mieux appréhender les processus de démocratisation de la société belge à l’œuvre au 20ème siècle par le biais de questions concernant notamment la légitimation de l’occupation de l’espace public, la possibilité d’exprimer des opinions ou d’exercer un militantisme politique, dans un contexte de redéfinition des frontières entre sphère publique et sphère privée, due notamment à l’accroissement de l’intervention de l’Etat.
Cette recherche a le grand avantage d’être menée de front avec le traitement et l’ouverture à la recherche d’archives inédites et jusqu’ici inaccessibles, issues tant de la Police générale du Royaume que de la Gendarmerie. Cela permet de leur appliquer d’emblée les méthodes d’analyses historiques les plus fines. Le concept d’information policière est analysé à l’aide de sources qui permettent de mieux appréhender leur histoire, celle des agents qui les ont créées et des espaces dans lesquels elles ont circulé. Pour ce faire, une cartographie précise des institutions impliquées dans le système policier belge est réalisée. En outre, une attention particulière est portée sur les individus impliqués dans ces espaces de centralisation policière. En effet, les archives mobilisées dans le cadre de ce projet incluent de nombreuses séries de dossiers personnels qui permettent une approche prosopographique, facilitée par la collecte de données biographiques dans la base de données Digithemis. Les méthodes de traitement et d’archivage de l’information policière peuvent être mieux analysées, en vue de saisir les pratiques bureaucratiques transformant des données brutes en de réelles politiques de sécurité. Enfin, l’examen des sujets faisant l’objet de la collecte des informations policières est également crucial pour comprendre la nature des risques perçus comme tels par l’Etat dans la construction de sa politique de sécurité. Ils sont le reflet des éléments considérés par le pouvoir central comme des menaces sociales et politiques et constituent des clés de compréhension indispensables dans la construction de sa politique de sécurité.
L’ouverture à la recherche de ces fonds d’archives à destination des membres du projet et de la communauté scientifique belge et internationale ainsi que leur exploitation permettront une valorisation de parties importantes des collections des Archives générales du Royaume, ainsi que l’ouverture de nouveaux champs de recherche historique. En effet, ce projet entend jeter les bases de discussions scientifiques pérennes et plus larges, à travers l’organisation de séminaires scientifiques et de workshop. Les résultats du projet seront publiés (via des articles scientifiques et les actes de la conférence de clôture) et une communication « grand public » sera mise sur pied via les réseaux sociaux. Des archives importantes seront mises en ligne sur le site internet des Archives de l’Etat. De plus, l’expertise acquise au sein du projet sera diffusée via des contributions à MENEPOLHIS 2.0, un site internet dédié à l’étude des préoccupations policières et sécuritaires dans une perspective socio-historique. Les services de police et professionnels de la sécurité seront également invités à discuter des résultats de la recherche et des projets de modules de formations seront proposés à destination des académies de police, de la Police fédérale et de ses organisations périphériques. Enfin, des séminaires de recherches et des mémoires de master dédiés aux questions évoquées par le projet seront organisés dans les universités partenaires, développant de cette manière les connaissances des services de police en Belgique au cours du 20ème siècle.