NL FR EN
www.belgium.be

Les hors-la-loi et la justice. Les parcours judiciaires en Belgique au XIXe siècle (OUTLAW)

Projet de recherche B2/212/P2/OUTLAW (Action de recherche B2)

Personnes :

Description :

Tous sont égaux devant la loi : ce principe est solidement affirmé dans le droit du Siècle des Lumières, ainsi que dans la très libérale Constitution belge. La pratique est toutefois souvent différente et d’aucuns semblent être plus égaux devant la loi que d’autres. En analysant les profils sociaux et les parcours pénaux de personnes qui ont été confrontées au cours du Long XIXe siècle à la police, à la justice et à des peines pénitentiaires, le présent projet tente de démontrer comment certains aspects de la vulnérabilité sociale, tels que le sexe, la classe sociale, l’âge ou un contexte migratoire ont influencé la pratique judiciaire. En reconstituant les récits méconnus de « hors-la-loi » vulnérables, le projet veut donner une voix aux groupes de population généralement sous-représentées dans l’histoire. Récemment acquises et conservées aux dépôts des Archives de l’État dans les Provinces, les archives pénitentiaires belges sont un point de départ idéal pour la réalisation de ce projet.

Un premier objectif du projet OUTLAW est la réalisation d’un portail de recherche et de valorisation en ligne des archives pénitentiaires belges (XIXe-XXe siècles) pour augmenter la visibilité et l’accessibilité de ces collections fascinantes pour les chercheurs et le grand public. Le portail bilingue (FR/NL) rassemble virtuellement toutes les archives pénitentiaires belges et informe l’internaute sur l’histoire du secteur pénitentiaire belge, sur les informations contenues dans les archives pénitentiaires et les documents juridiques voisins, et sur la façon dont on peut y mener des recherches. Le portail montre également à ses visiteurs comment on peut exploiter des techniques narratives pour redonner vie aux vicissitudes des « criminels » du XIXe siècle afin de pouvoir les intégrer dans des activités d’histoire publique.

Afin d’augmenter l’accessibilité des archives pénitentiaires, les Archives de l’État numériseront l’ensemble des registres de « la comptabilité morale » des prisons belges. Introduits à partir de 1855 dans le secteur pénitentiaire, ces registres contiennent de nombreuses notices sur le contexte familier, la formation, le comportement et l’état physique et mental de quelque 150.000 détenus qui avaient été condamnés entre 1855 et 1924 à une peine pénitentiaire en Belgique.

Quand les registres seront scannés, les données de ces 150.000 détenu(e)s seront transcrites par des bénévoles et encodées dans une base de données. Celle-ci offrira un aperçu sans précédent des condamnés pénitentiaires belges de la seconde moitié du XIXe et du premier quart du XXe siècle. Ensemble avec les images numérisées, les données seront intégrées dans le moteur de recherche en ligne existant ainsi que dans le dépôt numérique des Archives de l’État. Via le portail en ligne, elles seront mises à la disposition du public gratuitement, de sorte que tout généalogiste ou autre intéressé puisse apprendre si un de ses ancêtres a été en prison à un moment donné. La base de données sera également un puissant outil de recherche permettant aux historiens sociaux et aux criminologues historiques de découvrir les caractéristiques et le fonctionnement de l’appareil judiciaire et pénitentiaire belge à l’époque.

Au sein du projet, l’université de Gand s’occupera d’une recherche doctorale historique et criminologique relative à l’impact des vulnérabilités sociales inhérentes au droit pénal belge, notamment pendant la période 1870-1914, où cette question était devenue fort aiguë. Même en cours de démocratisation, la société belge connut encore de grandes inégalités socio-économiques. Les préoccupations croissantes des pouvoirs publics relatives à la criminalité et aux « classes dangereuses » conduisaient à une recrudescence des tentatives de « discipliner » de larges pans de la population et, en conséquence, à une hausse des arrestations, des poursuites judiciaires et des peines pénitentiaires. Le projet part de l’hypothèse que la façon dont des personnes étaient confrontées avec la justice était fondamentalement fonction de leur position sociétale et du capital social y afférent, et de leur (in)capacité de mobiliser des réseaux sociaux. En combinant des méthodes quantitatives avec une analyse qualitative approfondie des parcours pénaux individuels, la thèse doctorale sondera tant le traitement judiciaire hiérarchisé de ces personnes que leurs expériences individuelles et leur « agentivité ». En dépistant les mécanismes discriminatoires de la loi appliquée et en étudiant les tribunaux ou les prisons comme une « arène », le projet OUTLAW permettra de mieux saisir les vulnérabilités sociales tant du passé que de la juridiction actuelle. Songeons par exemple au profilage social, au racisme, à l’orientation sexuelle, à la justice de classes, etc.

Ce projet donnera donc lieu à un portail de valorisation et de recherche en ligne relatif aux archives et aux narratifs pénitentiaires belges, à un accès public aux registres numérisés de la comptabilité morale, à une base de données sur 150.000 détenus condamnés, intégrée dans le moteur de recherche des Archives de l’État, et à une thèse de doctorat sur la vulnérabilité sociale inhérente à la juridiction belge du XIXe siècle. Les résultats du projet seront diffusés via des conférences, des webinaires, des présentations d’affiches et, en guise de clôture, une conférence internationale sous le titre « Outsiders and the Law », dont les actes seront publiés.