Projet de recherche B2/223/P1/LEAP (Action de recherche B2)
Contexte
Le changement climatique a des impacts significatifs sur la population humaine et l'environnement, dans le monde entier. Ces effets sont également visibles en Belgique, comme les vagues de chaleur récurrentes de 2022 ou les inondations dévastatrices qui ont eu lieu en Wallonie pendant l'été 2021. Cependant, ce n'est pas la première fois que nous sommes confrontés à des changements climatiques rapides. Nos ancêtres ont également connu des changements climatiques abrupts avec une diminution de la température de l’ordre de 1 à 2°C. Cependant, en raison de la courte durée de ces événements (seulement 100 à 200 ans) et de l'absence de sources écrites, il est difficile d'évaluer quels impacts ils ont eu sur la société et l'environnement. En améliorant notre compréhension de ces événements passés et de leurs effets sur les écosystèmes et les populations humaines à un niveau régional, nous pourrons mieux aborder les défis liés au changement climatique auxquels nous sommes confrontés aujourd'hui en Belgique.
Objectif principal
L'objectif global du projet LEAP est d'accroître la résilience sociétale face au changement climatique en documentant les changements climatiques rapides passés (CCR) avec une haute résolution et en évaluant l'impact environnemental et les réponses de la société à ces CCR à un niveau régional. Pour ce projet, trois CCR autour de 9,3, 4,2 et 3,2 milliers d’années avant notre ère (cal BP) ont été sélectionnés. Les données préliminaires concernant ces événements climatiques suggèrent un impact sur les populations passées dans le territoire correspondant à la Belgique moderne. De plus, ces CCR se sont produits dans des conditions environnementales limites similaires à celles d'aujourd'hui et sont donc susceptibles de fournir des analogues pour les prédictions futures.
L'étude de l'impact du climat sur l'environnement et les populations dans les sociétés pré- et proto-complexes nous aide à comprendre la résilience humaine et à répondre aux changements climatiques actuels et futurs. Cela inclut des événements météorologiques extrêmes comme les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt, ainsi que les mouvements et adaptations de la population. La détection et l'évaluation des changements anthropiques et écologiques qui en résultent nécessitent une approche multi-proxy avec une datation de haute précision. Notre projet se concentre donc sur la documentation et la reconstruction (a) des changements climatiques régionaux passés et présents (paléoclimat), (b) des dynamiques écologiques (paléoenvironnement) et (c) des changements de démographie et de mobilité (paléo-mobilité) dans le bassin de la Meuse (Belgique) pendant les changements climatiques sélectionnés.
Méthodologie
Pour atteindre l'objectif principal, nous étudions les dépôts de grottes, les tourbières et les restes humains dans et autour du bassin de la Meuse en Belgique.
- Dépôts de grottes pour les données paléoclimatiques
Nous étudions les dépôts de grottes (spéléothèmes) pour reconstruire les variations de température, les précipitations et la sédimentation pendant ces changements climatiques abrupts en Belgique. Pour cela, nous réalisons des observations sédimentologiques, des mesures d'isotopes stables d'oxygène et de carbone et des analyses d'éléments traces, et combinons cela avec la datation U/Th. Pour mieux visualiser le changement climatique actuel par rapport à ceux du passé en termes de rapidité et d'intensité du changement, nous mettons les enregistrements des spéléothèmes passés en perspective par rapport à ceux des 100 dernières années. Les spéléothèmes étudiés sont incorporés dans la collection de spéléothèmes de l'RBINS.
- Tourbières pour les données paléoenvironnementales
Nous étudions les tourbières des Hautes Fagnes (Belgique orientale) pour déterminer les dynamiques passées de la végétation et des feux de forêt, et pour fournir des informations sur la résilience de notre écosystème face aux changements climatiques rapides. Nous reconstruisons les dynamiques de la végétation sur la base de l'analyse du pollen fossile et des spores des tourbières. L'analyse de fragments de charbon de bois microscopiques provenant des mêmes dépôts de tourbe fournit des informations sur l'occurrence des incendies de forêt. La possible corrélation entre les dynamiques de la végétation et les changements climatiques sera basée sur une datation au radiocarbone de haute résolution.
- Restes humains pour les données sur la paléomobilité et la démographie
Nous datons et analysons les restes humains du bassin de la Meuse en Belgique pour comprendre comment ces changements climatiques rapides passés ont affecté les dynamiques de mobilité et la densité de population des communautés locales. Cela passe par des modélisations statistiques à partir des dates carbone 14 disponibles et nouvellement acquises (modélisations par SCPD et KDE) Des décomptes bruts de sites archéologiques (implantations et contextes funéraires) seront aussi réalisés dans le bassin belge de la Meuse pour évaluer les fluctuations de la population passée. Nous effectuons également des analyses isotopiques (isotopes O, S et Sr) sur les restes humains, datés avant, pendant et après les changements climatiques rapides, pour retracer les éventuels épisodes de mobilité humaine ou les variations de l'utilisation du paysage favorisées par la détérioration ou l'amélioration climatique.
Impact potentiel et valorisation
L'intégration de toutes ces données offrira de précieuses connaissances sur la façon dont le changement climatique nous a affectés dans le passé, et nous permettra de mettre le changement climatique actuel en perspective historique (vitesse, ampleur, etc.). En outre, nous fournirons aux climatologues et aux administrations gérant la politique climatique des données et des connaissances haute résolution sur les changements climatiques passés, ainsi que sur leurs impacts environnementaux et sociétaux. Cela contribue à l'élaboration de scénarios climatiques régionaux précis pour l'avenir en Belgique, renforce la prise de conscience et soutient la prise de décisions éclairées pour faire face à des événements météorologiques extrêmes et qui s'aggravent, tels que les sécheresses, les inondations et les incendies de forêt.