Projet de recherche B2/223/P3/E4BEL (Action de recherche B2)
Le projet E4BEL vise à mettre l'équité au centre du débat sur la politique climatique en Belgique. Le chemin vers la neutralité nette impliquera une période de bouleversements étant donné que les politiques climatiques ont des répercussions importantes sur la société. De telles politiques, et la tarification du carbone en particulier, affecteront le pouvoir d'achat de différents ménages par leurs effets hétérogènes sur les prix à la consommation et, au travers de changements dans la demande de main-d'oeuvre, sur les inégalités salariales. Ces effets sur l’équité et leur perception subjective, expliquent en partie la résistance de la population et la réticence des décideurs politiques à mettre en oeuvre des réformes ambitieuses. Le mouvement des gilets jaunes et l’argument récurrent de destruction d’emplois avancé pour les opposants à des réformes vertes de la fiscalité montrent que les questions de distribution orientent autant le débat public que les préoccupations croissantes en matière de réchauffement climatique.
Notre projet fera progresser ce débat en déterminant les préférences des individus en matière de tarification du carbone et en réalisant une nouvelle modélisation économique des effets distributifs directs et indirects de ces politiques. L’accent y sera mis sur la perte de pouvoir d'achat due à l'augmentation des prix à la consommation, sur l'évolution des salaires en fonction des compétences et des professions et sur la perte d'opportunités d’emploi dans les secteurs à forte intensité de carbone, appelés "emplois bruns". Nous cartographierons l’ensemble du marché de l’emploi de moyen terme et les effets distributifs d’une réforme fiscale réaliste visant à préserver le climat. Nous concevrons des paquets de mesures susceptibles de susciter l’adhésion maximale du public et de la société.
Plus précisément, ce projet devrait nous permettre d’aborder les questions de recherche suivantes :
- L’arbitrage entre équité et efficacité dans la tarification carbone est-il encore de mise lorsqu’on prend en compte un large éventail d’effets, notamment sur les prix et les salaires ?
- Peut-on s’attendre à d’importants coûts de transition liés à des glissements d’emplois entre secteurs ?
- Dans quelle mesure les effets sur le marché du travail varient-ils en fonction des compétences, des professions ou tâches ?
- Est-il question d’un arbitrage entre équité et acceptabilité dans la tarification carbone, en d’autres termes peut-on s’assurer l’adhésion d’une majorité d’électeurs tout en préservant les considérations d’équité ?
- Les mesures économiques habituelles peuvent-elles expliquer l’opposition aux options de réforme fiscale envisagées pour préserver le climat ou d’autres forces opèrent-elles ?
- Fournir des informations tirées d’analyses d’impacts réalisées avec des modèles économiques modifiera-t-il les préférences déclarées ou l’acceptabilité ?
Nous allons, dans cet objectif, fertiliser de manière croisée et intense différents axes de l’analyse des impacts économiques et les enquêtes sociologiques sur l’acceptabilité.
Les effets économiques seront modélisés par le biais d’un modèle de microsimulation, qui capte l'offre de travail et les choix de consommation de ménages hétérogènes, lequel sera relié à un modèle d'équilibre général calculable (EGC) de l'économie belge. Le modèle de microsimulation englobera un modèle intégré de demande de biens et d’offre de travail. Le modèle EGC captera des schémas de substitution complexes entre les types de main-d'oeuvre (compétences ou professions) et les prix de l'énergie dans la production, et finalement, les inégalités de salaires. Nous utiliserons des données belges et allemandes pour fournir des preuves empiriques sur les forces en jeu. Les deux modèles seront étroitement liés pour assurer une cohérence maximale.
Deux enquêtes permettront d'évaluer l'acceptabilité des réformes fiscales envisagées pour préserver le climat. La première s’attachera à jauger l’attitude du public envers la tarification du carbone en général. Partant des résultats de l’enquête, une série de possibilités de réforme fiscale seront définies dans un but de préservation du climat, en concertation avec l’équipe de modélisation économique. La deuxième enquête sondera l’opinion du public sur ces possibilités en utilisant des indicateurs tirés de l'analyse des impacts économiques. Cette combinaison débouchera sur une série d’options de politiques qui seront classées selon des indicateurs de performance environnementale et économique, d'équité et d'acceptabilité.
Au-delà de cet apport, notre projet devrait avoir les retombées suivantes. Sur le plan scientifique, en valorisant les données existantes sur les professions et en recherchant les possibilités d'améliorer nos connaissances à cet égard, nous ferons évoluer le cadre tâche/profession des études menées sur les inégalités en Belgique. Ces efforts devraient améliorer notre compréhension des tendances en matière d’inégalités salariales, au-delà du cadre étroit du climat. L’intégration d’un modèle EGC et d’un modèle de microsimulation, indispensable à nos yeux pour analyser la politique fiscale, a été très rarement réalisée en Belgique. De ce point de vue, nous considérons que notre projet renforce les capacités de notre pays.
Dans une société où les questions de climat et d'énergie sont susceptibles de dominer le débat public avec son inévitable polarisation, ce projet peut s’avérer utile de deux façons. En fournissant des données solides sur les effets distributifs et économiques, nous dissipons les mythes et assurons que les débats restent fondés sur des faits. Notre approche interdisciplinaire itérative fournira aux décideurs politiques une approche plus holistique, qui sera utile lorsque les mécanismes de compensation qui sont traditionnellement prescrits, ne fonctionnent pas.
Les services publics bénéficieront aussi de nos travaux. Nous identifierons les secteurs et les professions qui risquent d'être les perdants des politiques climatiques, et fournirons ainsi aux institutions compétentes pour le marché du travail des pistes pour orienter leurs politiques. Les instituts de statistique devraient bénéficier de notre exploration du potentiel des données sur les marchés du travail belge et allemand.
Equity, Environment, Energy, Economy: An investigation into the equity, efficiency and acceptability of carbon pricing in Belgium (E4BEL) : State of art
Barrez, Jeroen - Bachus, Kris Brussels : Belgian Science policy, 2023 (SP3239)
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