Projet de recherche B2/233/P2/COLOURINPALAEO (Action de recherche B2)
On ne sait pratiquement rien de l'évolution de la couleur des coquilles chez les invertébrés. Cela est dû en grande partie à l'extrême rareté des fossiles au sein desquels les motifs de couleur et les pigments sont préservés et immédiatement visibles, et donc faciles à identifier, surtout lorsqu'ils remontent à plusieurs centaines de millions d'années. Cela entrave notre compréhension du rôle et de la fonction de la couleur chez les animaux disparus, de leur écologie, de leur mode de vie, de leurs interactions, de leur développement et de leur évolution. Un bon exemple de cette rareté est le Paléozoïque de Belgique, mondialement connu pour ses fossiles du Dévonien et du Carbonifère (420-300 Ma) magnifiquement préservés, qui permettent de documenter des transitions majeures dans la dynamique des écosystèmes et l'évolution de la vie sur Terre (e.a., la révolution du necton, la terrestrialisation, les changements climatiques majeurs, les événements anoxiques, les crises de la biodiversité), mais dont seules quelques coquilles de mollusques (céphalopodes, bivalves, gastéropodes) et de brachiopodes avec des traces de couleurs ont été préservées et historiquement documentées (par L.-G. de Koninck et P. de Ryckholt, entre le mitan et la fin du 19e siècle). Cependant, au cours de la numérisation des collections de types et de spécimens figurés conservées à l'Institut royal des Sciences naturelles de Belgique (IRSNB) (projets DiSSCo-Fed et DIGIT), il a été récemment découvert que de nombreux autres spécimens conservent ce type de traces, en particulier ceux provenant d'environnements marins récifaux et peu profonds du Carbonifère basal. Il apparaît ainsi que la Belgique est un « point chaud » pour la préservation des couleurs dans les temps anciens, permettant d'étudier leur occurrence dans différentes lignées évolutives d'invertébrés marins durant l'une des principales périodes de révolution de l'histoire géologique, et donc avec un potentiel très élevé pour devenir un pivot dans la compréhension du rôle et de la (des) fonction(s) de la couleur chez les animaux produisant des coquilles. Grâce au développement de nouvelles techniques d'acquisition et d'analyse de données, et d'autres devenant plus facilement disponibles, la dernière décennie a vu un regain d'intérêt pour l'étude de la préservation de la couleur dans le registre fossile. Néanmoins, ce regain d'intérêt se concentre principalement sur la peau et les plumes de dinosaures, les insectes ou les fossiles relativement jeunes (méso-cénozoïques). Les invertébrés paléozoïques ont largement échappé à ce regain d'intérêt, et ce, alors que chaque nouvelle découverte de ces fossiles peut être cruciale pour notre compréhension de l'évolution des premiers invertébrés. COLOURINPALAEO vise à changer cette situation. Il s'agira du premier projet de ce type sur un certain nombre de lignées évolutives différentes d'invertébrés à coquille qui s'appuie sur ces avancées récentes. Il sera donc en mesure d'exécuter un nouveau niveau d'exploration des données sur la préservation des couleurs dans les archives fossiles paléozoïques, tant sur la morphologie des motifs que sur la chimie des pigments qui sont impliqués.
COLOURINPALAEO a pour but d'explorer la préservation de la couleur dans les archives fossiles du Paléozoïque belge, à la suite des récentes (re)découvertes de ces spécimens particulièrement rares dans les collections de paléontologie de l'IRSNB, afin d'accroître les connaissances actuelles sur l'évolution de la couleur des coquilles d'invertébrés. Il vise à valoriser davantage nos collections patrimoniales belges par le biais de leur exploitation scientifique en étudiant l'occurrence des motifs de couleur et des pigments en combinant la recherche interdisciplinaire avec les progrès récents dans (i) les techniques d'imagerie 2D et 3D non destructives et non invasives, telles que la photogrammétrie multispectrale et la spectro-imagerie, afin de mieux visualiser les motifs de couleur et les pigments, y compris ceux qui ne sont pas visibles à la lumière naturelle (blanche), et (ii) des techniques spectroscopiques avancées, à savoir la spectroscopie Raman par microsonde, la cartographie synchrotron des traces d'éléments et la spectroscopie d'absorption, afin d'identifier la signature chimique des pigments. Il vise également à renforcer l'expertise scientifique et le savoir-faire de l’IRSNB dans tous les domaines susmentionnés, et permettra d'atteindre un niveau encore plus élevé de numérisation du patrimoine belge.
Pour atteindre ces objectifs, il s'agit de 1) poursuivre l'exploration des collections Types et Figurés et Invertébrés Paléozoïques de l'IRSNB à la recherche de matériel supplémentaire, 2) prospecter d'autres collections publiques (ex. Université de Liège, Centre Grégoire Fournier de l'Abbaye de Maredsous) et privées (initiative de science citoyenne, s'adressant aux chasseurs de fossiles) pour mieux évaluer la rareté de ce type de fossiles, 3) appliquer de nouvelles techniques et de nouveaux flux de travail non destructifs et non invasifs développés au sein du Service scientifique du Patrimoine de l’IRSNB et chez le partenaire international IPANEMA, tels que l'imagerie multispectrale pour mieux visualiser les motifs de couleur, également en 3D, et contribuer au développement de l'application de ces techniques dans les sciences naturelles, 4) identifier les pigments et leur mode de conservation par spectroscopie Raman, cartographie synchrotron des éléments en traces et spectroscopie d'absorption, 5) tirer des conclusions des motifs et de la conservation des pigments pour mieux comprendre l'histoire évolutive de la couleur et sa (ses) fonction(s) chez les invertébrés disparus, et 6) communiquer les connaissances nouvellement acquises à la fois au domaine de la recherche et du patrimoine ainsi qu'au grand public.
