Projet de recherche B2/233/P2/For2-BioB (Action de recherche B2)
Depuis plusieurs décennies, l’ADN révolutionne le processus de production de la vérité judiciaire. Si la justice en fait l’exploitation depuis le début des années 1990, c’est la loi du 22 mars 1999 qui a permis à l’ADN de prendre pleinement sa place au sein de l’arsenal des techniques d’investigation judiciaire et de disposer d’un cadre légal claire et strict, définissant les possibilités d’y recourir et organisant l’enregistrement et l’exploitation des profils ADN au sein de plusieurs banques de données gérées par l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie (INCC).
En dépit de la diversification des usages sociaux de l’ADN, passant des tests génétiques dans la sphère médicale à des tests ADN généalogiques dans un but récréatif, les données génétiques forensiques sont encore obtenues et traitées par la seule justice et uniquement à des visées pénales. Le cadre légal actuel organise son exploitation dans une logique hermétique à des fins exclusivement d’identification et il isole l’exploitation judiciaire de l’ADN de toute autre base de données génétiques. Posant la question de la pertinence de ce caractère fermé, le projet For2- BioB se veut l’amorce d’une réflexion à la fois ouverte et approfondie quant aux régulations applicables en Belgique, notamment au regard des options prises à l’étranger et au niveau international ainsi que des évolutions des sciences génétiques. Il s’agit d’envisager un ensemble de pistes pour renforcer l’efficience du recours aux banques nationales de données génétiques (BNDG) ainsi que de proposer au législateur belge des scénarios innovants pour faire évoluer le cadre légal applicable dans ce domaine pointu.
Mené conjointement par l’Institut National de Criminalistique et de Criminologie (INCC) et le Centre de recherche interdisciplinaire sur la déviance et la pénalité (CRID&P, UCLouvain), le projet For2-BioB a comme objectif premier l’amélioration de l’organisation et du fonctionnement des BNDG en tant qu’outils de production de la vérité judiciaire, mais également d’assurer le respect des contraintes à la fois éthiques et légales dans un environnement marqués par des évolutions régulières et importantes. Afin d’atteindre cet objectif, deux volets de travaux sont définis :
Le premier volet « organisationnel » vise à optimaliser le recours aux banques de données ADN en matière pénale et aux technologies qui lui sont associées. Il conduira notamment à prendre en compte les pratiques des acteurs de terrain, les nouvelles technologies et leurs perspectives de développement, ainsi que les changements démographiques qui se traduisent par des évolutions sur le plan génétique.
Ce premier volet se décline en plusieurs tâches spécifiques. Il s’agit de se focaliser sur les effets potentiels de l’expansion des critères d’inclusion des profils ADN dans les BNDG sur l'efficience de celles-ci. Cette expansion entrainera l’accroissement des profils ADN disponibles pour une mise en évidence des correspondances. Mais, la mise en évidence de telles correspondances sur base de profils ADN de pauvre qualité peut être source de résultats fortuits (faux positifs). Il s’agit donc de retrouver le ratio idéal entre le nombre de profils inclus et la pertinence des correspondances communiquées à la justice, en prenant en compte le nombre de micro satellites retenus dans la composition d’un profil, mais également l’évaluation statistique de la rareté de ce profil ADN dans la population.
Ceci implique pour les chercheurs de questionner en parallèle l’usage des modèles statistiques utilisés pour déterminer la probabilité d’une coïncidence à l’origine de la correspondance. A cette fin, il y a lieu d’étudier le type de population référentiel qu’il conviendrait d’utiliser en vue de l’interprétation des correspondances entre deux profils génétiques.
Le second volet porte sur les questions éthiques et l’encadrement juridique. Il s’agit de proposer une série de scénarios destinés à nourrir la réflexion du législateur et des experts, en vue d’une réforme en profondeur des règles actuellement applicables. En effet, le cadre juridique est appelé à évoluer pour tenir compte de l’évolution des techniques, des changements juridiques au niveau européen, ainsi que de la transformation des politiques criminelles.
Pour ce faire, la recherche a pour objectif l’identification des «invariants juridiques» au niveau international, principalement européen. Il s’agit ensuite, dans les limites de ce cadre, de dresser l’ensemble des possibilités ouvertes au législateur pour faire évoluer le cadre juridique applicable, en tenant compte du potentiel des technologies actuelles et de l’évolution de celles-ci. Une étude de droit comparé, d’abord large et exploratoire, puis ciblée et approfondie, permettra d’identifier un ensemble de solutions, tout comme une analyse des pratiques de terrain menée en mobilisant la théorie de l’acteur stratégique.
Le projet For2-BioB s’inscrit ainsi dans une démarche à la fois technique, opérationnelle et régulatoire, résolument pragmatique et prospective. Elle s’appuie sur une équipe interdisciplinaire, composée d’expert.es en criminalistique, en biostatistique, en criminologie et en droit.