Projet de recherche B2/233/P2/ProvEnhance (Action de recherche B2)
Depuis les années 1990, l’étude de la provenance des œuvres d’art a pris une importance croissante en Europe et dans le monde occidental. Suite aux déclarations de Washington, du forum de Vilnius et de Terezin, la Belgique s’est penchée il y a une vingtaine d’années sur la question de la restitution des biens spoliés aux Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, en utilisant les sources archivistiques alors disponibles (voir les rapports de la Commission Buysse). Le pays a depuis lors traité plusieurs cas de restitution (dont en 2022 aux Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique,
« Fleurs » de Lovis Corinth). Cependant, vingt ans plus tard, le paysage international de la recherche de provenance et le contexte sociétal ont évolué. De nouvelles sources et bases de données ont émergé et l’on prend de plus en plus conscience des mécanismes de la spoliation, qui ne concerne plus exclusivement les œuvres confisquées par la force ou pillées mais commença déjà avec les ventes forcées autour de 1933 et inclut désormais les « flight assets », c’est-à-dire les objets vendus dans des pays d’exil supposés « sûrs » pour assurer sa subsistance, payer des visas de travail, etc. Le sujet exige également une grande transparence dans les choix et les résultats, et pourra donner lieu à des débats de société plus larges.
Le projet donnera lieu à deux thèses doctorales, l’une sur la recherche de provenance autour des collections des Musées royaux et l’autre sur le marché de l’art pendant la seconde guerre mondiale, ainsi que des articles scientifiques sur des sujets apparentés. Des workshops avec d’autres musées belges, des acteurs de la recherche de provenance tels les enseignants d’université, les salles de vente, et des partenaires internationaux académiques, d’une part, et une conférence internationale (à mi-parcours du projet) seront organisés.
L’objectif consiste également à relever les défis de la transparence et de la participation citoyenne en publiant les résultats de la recherche sous la forme de jeux de données structurés pour la communauté de recherche nationale et internationale, mais aussi en les rendant visibles pour le grand public, non seulement via le catalogue de la collection des Musées royaux des Beaux-Arts mais aussi par exemple via des visites guidées thématiques, des publications sur un site web d’histoire publique (CegeSoma, https://www.belgiumwwii.be) et via d’autres canaux tels les média sociaux.
Un volet méthodologique – qui pourrait comprendre par exemple la rédaction d’un guide des sources pour la recherche de provenance en Belgique, ainsi que des recommandations pour la publication des données de provenance - devrait également bénéficier aux autres institutions du patrimoine culturel en Belgique. Les résultats du projet pourraient également soutenir le gouvernement belge en fournissant des données de provenance en cas de demandes de restitution et alimenter la politique de communication du SPF Economie.
Le projet s’appuiera sur l’expertise d’une solide communauté internationale de chercheurs, via les partenaires en Belgique et à Berlin, mais également via les réseaux professionnels existants en matière de recherche de provenance et sur le marché de l’art. Le projet vise ainsi en premier lieu à importer l’expertise internationale déjà développée en matière de recherche de provenance (en termes de connaissances, d’infrastructure et de métholodogie) mais aussi à positionner la Belgique comme un fournisseur de contenu pour la communauté internationale en recherche de provenance. Il pourrait aussi contribuer à développer l’enseignement de la recherche de provenance dans les universités belges, comme c’est le cas à l’étranger.
La recherche utilisera toutes les sources disponibles (archives privées et muséales, catalogues de vente, presse spécialisée, archives de guerre/après-guerre en Belgique et à l’étranger, bases de données spécialisées, etc.) et les méthodes applicables du domaine des Digital Humanities (données liées, analyse de réseaux, etc.) en vue d’enrichir les données de provenance des collections des Musées royaux des Beaux-Arts de Belgique et de fournir le contexte nécessaire à travers l’étude des acteurs et des pratiques du marché de l’art et des institutions muséales en Belgique pendant la période de l’Occupation, en prenant en compte les pratiques institutionnelles de l’immédiat après-guerre.