Projet de recherche P6/24 (Action de recherche P6)
Contexte général
La résistance et la déformabilité des métaux polycristallins sont dictées par des phénomènes actifs à différentes échelles. A l’échelle nanoscopique, la déformation plastique résulte de la création et de la mise en mouvement de dislocations par l’application d’une contrainte. A l’échelle microscopique, le mouvement de nombreuses dislocations conduit à des interactions et à la création de structures de défauts complexes. Le comportement collectif de ces structures de dislocations dicte la déformation plastique des grains individuels. Finalement, ces grains interagissent entre eux au sein du polycristal. Le comportement mécanique au niveau macroscopique (c’est-à-dire à la plus petite échelle à laquelle le matériau peut être considéré comme un milieu continu) est donc régi par ces phénomènes intervenant à des échelles diverses. Les mêmes phénomènes induisent aussi des changements importants en ce qui concerne la microstructure, l’endommagement interne, la résistance et la ductilité. Il convient enfin de signaler que le rôle des dislocations peut être partiellement suppléé ou modifié par l’activation du maclage mécanique ou de transformations de phase induites mécaniquement.
L’étude des différents mécanismes participant à la déformation plastique a déjà mené à des découvertes importantes sur le plan de l’observation expérimentale et de la compréhension théorique, mais très souvent en se focalisant à une seule échelle. Dès lors, certaines questions restent sans réponse ou du moins reposent sur une description insatisfaisante. Il apparaît de plus en plus clairement qu’améliorer la compréhension et la modélisation du comportement mécanique des matériaux requiert davantage l’examen des relations entre les différentes échelles qu’un affinement de la connaissance à chaque échelle séparément. Finalement, des effets de taille importants résultant d’interactions entre des distances caractéristiques (libre parcours moyen des dislocations ou taille des cellules) et des dimensions structurales (épaisseur de films minces ou taille de grain) sont désormais mis en lumière, révélant des phénomènes physiques tout à fait inexplorés.
L’étude et la compréhension de ces phénomènes ont également une motivation technologique, à savoir: le développement de matériaux aux performances améliorées, l’optimisation des opérations de manufacture, l’amélioration de la conception et des méthodes d’analyse d’intégrité de structures traditionnelles (transport, énergie) et émergentes (MEMS, structures multifonctionnelles).
Ici, se termine la description du domaine de recherche du projet. Les différents objectifs formellement définis sont décrits ci-dessous.
Objectifs
1. Compréhension et modélisation de la relation bilatérale entre la structure des métaux aux échelles nanoscopique, microscopique, mésoscopique et le comportement mécanique macroscopique.
Dans le cas présent, ‘structure’ est à considérer comme un terme générique incluant les structures de dislocations, la microstructure, la morphologie des grains, la texture cristallographique ou encore l’endommagement. D’autre part, le ‘comportement mécanique’ inclut la limite d’élasticité, l’écrouissage et l’adoucissement, les effets de changement de trajet de chargement, l’anisotropie plastique et la rupture ductile. L’attention sera portée sur les couplages entre différentes échelles. Les phénomènes qui seront plus particulièrement étudiés à ces échelles sont : les dislocations, le maclage mécanique et la compétition entre ces deux modes de déformation plastique ; les distributions hétérogènes de contrainte et de déformation ; les effets de taille et de longueurs caractéristiques ; et finalement, la comparaison des comportements mécaniques aux petites et grandes vitesses de déformation.
2. Développement de modèles mécaniques macroscopiques pouvant servir lors de simulations par éléments finis réalisées à l’échelle de l’ingénieur.
Un aspect essentiel sera le développement de stratégies appropriées permettant l’identification des paramètres de ces modèles macroscopiques sur base des prédictions obtenues à l’aide des connaissances ‘multi-échelles’ résultant de l’objectif précédent. Une attention particulière sera portée à la stabilité numérique et à l’efficacité des codes d’éléments finis après implémentation des lois macroscopiques et l’incorporation des longueurs physiques.
Choix des thématiques étudiées
Afin d’atteindre les objectifs décrits ci-dessus, plusieurs études de cas ambitieuses ont été sélectionnées et seront réalisées au travers des tâches décrites ci-dessous. Ces études de cas portent sur des métaux mono- ou biphasés à symétrie cubique centrée, cubique à faces centrées et hexagonale compacte.
Tâches (angl.: Work Packages - abr.: WP)
WP1: Approche multi-échelle de la plasticité dominée par les dislocations (P1, P2, P3, P4, P6, EU1, EU2, EU3)
Ce WP concernera l’étude expérimentale et théorique de la déformation plastique de Al, Nb, Fe, Ta, des aciers Dual Phase et de films minces. Les centres d’intérêt seront les interactions entre dislocations, la fragmentation des grains, la texture, l’écrouissage et l’adoucissement (entre autres lors de changements du trajet de chargement), les gradients de déformation, les effets de taille. Les méthodes expérimentales incluront la déformation plastique sévère, les essais mécaniques macro- et microscopiques, la nano-indentation, le MET, le MEB et l’EBSD. Les approches théoriques comprendront la théorie des dislocations, la plasticité cristalline et la théorie plastique macroscopique, la modélisation multi-échelle en ce compris les modèles d’éléments finis basés sur la plasticité cristalline.
WP2 : Approche multi-échelle de la plasticité dominée par le maclage. (P1, P2, P3, P4, P5, P6, EU2, EU3)
De façon similaire au WP1, ce WP portera sur l’étude expérimentale et théorique de la déformation plastique de Ti, Zr et des aciers TWIP. On s’intéressera particulièrement à la compétition entre glissement des dislocations et maclage mécanique, la texture, l’écrouissage et l’adoucissement, les gradients de déformation, les effets de taille. Les méthodes expérimentales incluront les essais mécaniques macro- et microscopiques, la nano-indentation, le MET, le MEB et l’EBSD. Les approches théoriques comprendront la théorie des dislocations, la théorie du maclage, la plasticité cristalline et la théorie plastique macroscopique, la modélisation multi-échelle y compris les modèles d’éléments finis basés sur la plasticité cristalline.
WP3 : Approche multi-échelle de la germination et de l’évolution de l’endommagement (P1, P3, P4, P5, P6, EU1, EU2)
L’étude expérimentale et théorique de la déformation plastique de métaux génériques, aciers biphasés et TWIP, et d’alliages et de titane sera réalisée dans ce WP3. Les centres d’intérêt seront les interactions entre la germination des cavités et l’évolution des fissures, l’anisotropie, l’écrouissage, l’adoucissement, les effets visqueux associés à la matrice ainsi que les effets d’échelle résultant de phénomènes d’endommagement apparaissant aux très petites échelles. Les méthodes expérimentales incluront les essais mécaniques, aussi à hautes vitesses, le TEM, le SEM et l’EBSD. Les approches théoriques comprendront la plasticité cristalline et la théorie plastique macroscopique, la mécanique de la rupture, la théorie de l’endommagement, la modélisation multi-échelle y compris les modèles d’éléments finis basés sur la plasticité cristalline.
WP4: Modélisation multi-échelle hiérarchique du comportement mécanique (P1,P3,P4,P6,EU2)
Il s’agira dans ce WP de développer une stratégie de modélisation de l’entrée en plasticité lors d’un chargement multi-axé pour laquelle les paramètres du modèle macroscopique seront déterminés par l’approche multi-échelle des tâches précédentes. L’étude visera notamment à prendre en compte la spécificité des métaux à symétrie hexagonale (effets de différentiel de contrainte), les évolutions de texture, de microstructure et d’endommagement en cours de déformation. Les méthodes expérimentales incluront les essais de formage et les essais mécaniques. Les approches théoriques comprendront l’implémentation des modèles macroscopiques au sein de code d’éléments finis, ainsi que le développement de nouveaux types d’éléments.
Interactions entre les tâches
- WP1 et WP2 s’intéressent aux mêmes problématiques et poursuivent les mêmes objectifs : glissement des dislocations, effets de taille, interactions entre grains, approche multi-échelle et mêmes méthodes expérimentales. Des collaborations entre ces 2 WP s’imposent d’elles-mêmes. Des échanges seront donc organisés en ce sens.
- Le WP3 bénéficiera des progrès dans la description de l’écoulement plastique générés dans les WP1 et WP2.
- WP1, WP2 et WP3 doivent fournir les analyses multi-échelles nécessaires au WP4 pour l’identification des paramètres des modèles macroscopiques, tout autant pour les états de contrainte donnant lieu à l’entrée en plasticité ou à l’endommagement, que pour les évolutions de la texture, de la microstructure et de l’endommagement.