Projet de recherche P6/41 (Action de recherche P6)
Les traitements antirétroviraux combinés ont fortement réduit la morbidité et la mortalité associées à l’infection par le VIH. Toutefois le développement de souches résistantes aux médicaments est un problème d’importance croissante. Il est donc indispensable de développer de nouvelles stratégies thérapeutiques qui cibleraient le VIH à plusieurs niveaux et empêcheraient ainsi son échappement. De nouvelles connaissances fondamentales sont donc requises pour une utilisation plus rationnelle des traitements actuels qui ciblent les enzymes du virus mais aussi pour la mise en évidence de nouvelles cibles pour des approches immunologiques, biochimiques ou pharmacologiques.
Nous chercherons de nouveaux moyens d’inhiber la réplication du VIH en suivant les stratégies suivantes :
1) Développement d’outils bioinformatiques novateurs pour prédire et prévenir l’échappement du VIH sous la pression de sélection du système immunitaire et des traitements antirétroviraux.
2) Détermination de nouvelles cibles thérapeutiques qui ne seraient pas associées à une résistance croisée aux classes thérapeutiques actuellement utilisées.
3. Optimisation de la technologie des RNA interférents pour prévenir l’échappement du VIH.
4. Exploration des avantages d’une immunothérapie ‘autologue’ basée sur la transfection des cellules dendritiques et d’autres cellules présentatrices d’antigènes avec des RNA messagers (mRNA) dérivés du RNA rétroviral plasmatique ou du DNA proviral.
5. Développement d’un modèle murin facile et reproductible permettant de tester toutes ces approches in vivo.
1. Développer des outils bioinformatiques pour utiliser les médicaments actuels de façon optimale
Les recommandations actuelles préconisent le génotypage préalable de la protéase et de la transcriptase du VIH pour un choix rationnel des médicaments antirétroviraux. Néanmoins, la transposition clinique des données génotypiques doit être améliorée. La partenaire Vandamme optimise et met à jour de façon continue l’algorithme du Rega Institute que son groupe a développé et qui est très largement utilisé dans le monde. Dans le cadre de ce projet, de multiples données thérapeutiques et génotypiques (concernant à l’heure actuelle plus de 23000 patients) ainsi que de nouvelles connaissances relatives à l’évolution moléculaire du VIH seront conjointement exploitées par des approches d’orpaillage (data mining) et de modélisation de façon à construire des outils bioinformatiques plus performants. Ces informations permettraient de séquencer les différentes lignes de traitement de façon optimale en minimisant le risque de résistances et en permettant ainsi un contrôle plus durable de la réplication virale. De plus, de tels outils bioinformatiques seront capables d’individualiser des voies préférentielles d’évolution de la résistance qui pourront être secondairement confirmées in vitro en utilisant des techniques classiques de biologie moléculaire (mutagenèse dirigée, génotypage, phénotypage). Une telle approche est entièrement nouvelle mais des données préliminaires en valident les concepts. La recherche fondamentale intégrée portant sur l’évolution du VIH sous la pression des traitements antirétroviraux générera par ailleurs des modèles bioinformatiques permettant de mieux comprendre et de prévenir l’échappement du VIH à la pression du système immunitaire. Tout progrès dans cette direction améliorera considérablement l’efficacité des nouvelles approches immunothérapiques (voir partenaires Vanham et Berneman).
2. Nef en tant que nouvelle cible thérapeutique
Les interactions moléculaires entre le VIH et la cellule peuvent constituer d’intéressantes cibles thérapeutiques. Le développement de résistances est en effet moins probable à leur niveau puisque les sites viraux qui intéragissent avec des partenaires cellulaires doivent être hautement conservés. La protéine Nef du VIH joue un rôle important dans la progression de l’infection vers le SIDA. In vitro, Nef n’est pas essentiel à la réplication virale. Toutefois, les patients infectés avec un virus déficient pour Nef progressent vers le SIDA beaucoup plus lentement. Nef pourrait dès lors constituer une cible prometteuse pour ralentir la progression clinique. Nef interfère avec la différenciation des lymphocytes T en interagissant avec des domaines importants pour la transduction des signaux d’activation. Des données récentes suggèrent que les molécules CD4, CMH de classe I et CD8 sont internalisées par Nef. Le partenaire Verhasselt explorera en détail les mécanismes par lesquels Nef interfère avec le développement des lymphocytes T et avec la fonction de ces derniers ainsi que des cellules dendritiques (avec les partenaires Berneman et Vanham). Des approches dédicacées d’interférence RNA seront développées par le partenaire Berkhout. Un autre objectif important sera d’explorer d’éventuelles corrélations entre les séquences de Nef et les propriétés fonctionnelles des isolats cliniques correspondants (lien avec les techniques de data mining de la partenaire Vandamme). Cette approche est fondamentale pour déterminer quelles interactions entre Nef et les cibles cellulaires doivent être visées en priorité par des stratégies thérapeutiques.
3. L’interférence RNA en tant que nouvelle stratégie contre la réplication du VIH
Le partenaire Berkhout a récemment montré que l’interférence RNA (RNAi) est hautement efficace pour inhiber la réplication virale in vitro. Il développera des approches de thérapie génique par vecteurs lentiviraux stables. Ceux-ci pourraient protéger de façon durable des cellules susceptibles au VIH par l’expression de multiples petits RNA interférents (siRNA) dirigés contre le génome viral. Le pouvoir inhibiteur puissant de certains siRNA vis-à-vis du VIH a été démontré mais l’échappement viral par mutation de la séquence cible ou par des mécanismes alternatifs a malheureusement été observée. Pour prévenir l’échappement du virus, le partenaire Berkhout développera dans son projet une approche associant de multiples siRNA à l’instar des traitements combinés associant trois ou quatre molécules antirétrovirales. Avec cette thérapie génique, il espère améliorer de façon durable l’état clinique des patients infectés par le VIH, en particulier de ceux qui ne peuvent plus bénéficier des traitements antirétroviraux actuels, soit en raison de résistances soit à cause des effets secondaires. L’intérêt de l’approche du partenaire Berkhout est qu’elle peut cibler tous les sous-types de VIH. Dans ce projet préclinique, seront testées l’efficacité de différentes modalités d’interférence RNA ainsi que les possibilités d’échappement viral. Le partenaire Berkhout essaiera également d’utiliser l’interférence RNA pour inhiber l’expression de différents facteurs cellulaires qui sont nécessaires pour la réplication virale ou qui seront identifiés comme des partenaires de Nef par le partenaire Verhasselt. De plus, en collaboration avec les partenaires Vanham et Berneman, l’interférence RNA sera aussi appliquée pour inhiber la voie SOCS (suppressor of cytokine signaling) pour améliorer la présentation des antigènes du VIH par les cellules présentatrices.
4. L’immunothérapie en tant que nouvelle stratégie thérapeutique
L’immunothérapie vise à amplifier les réponses immunitaires anti-VIH qui existent chez les patients infectés permettant ainsi d’inhiber la réplication, l’évolution et l’échappement du VIH. Les travaux récents des partenaires Vanham et Berneman ont établi les bases d’une vaccination thérapeutique totalement autologue basée d’une part sur des cellules dendritiques dérivées des monocytes sanguins (Mo-CD) et d’autre part du mRNA encodant les protéines des souches virales du patient correspondant. afin d’activer sélectivement les lymphocytes T CD4+ et CD8+ dirigés contre les épitopes du virus autologue. Le projet se propose d’utiliser des cellules dendritiques chargées avec du mRNA dérivé de séquences provirales de patients infectés par le VIH et de comparer l’efficacité de ces dernières à celles de DC chargées de RNA de séquences consensuelles du VIH. Leur capacité à induire des réponses T protectrices sera évaluée en utilisant différentes approches in vitro. Les réponses secondaires seront notamment étudiées sur des cocultures de cellules dendritiques et de lymphocytes T de patients infectés dont les charges virales sont soit basses (progresseurs lents non traités) ou indétectables (patients sous traitement combiné). En se basant sur les constatations faites sur les Mo-DC issues de cultures menées en présence de GM-CSF et d’IL-4, le partenaire Berneman en collaboration étroite avec le partenaire Vanham cherchera à déterminer quelles modifications des conditions de différenciation et/ou de maturation des cellules dendritiques résulteront en une amélioration des propriétés antivirales in vitro. De même, ils détermineront si l’inclusion d’épitopes issus de séquences régulatoires vs. structurelles influencera l’efficacité antivirale. Le but sera d’obtenir des réponses mémoires CD4 et CD8 anti-VIH qui devraient prévenir le réveil de la charge virale et l’échappement. Un objectif important de cette partie du projet serait aussi d’optimiser la fonction des cellules présentatrices d’antigènes de façon à générer des réponses primaires in vitro à partir des lymphocytes périphériques de sujets non infectés par le VIH.
5. Un modèle murin d’infection par le VIH
Les observations faites in vitro et les concepts thérapeutiques qu’elles auront générés seront validées dans un nouveau modèle murin d’infection par le VIH. Le partenaire moutschen développe un modèle de souris dites trimera permettant une meilleure prise et une survie plus longue des lymphocytes T humains que le classique modèle NOD/SCID. Pour cette raison, les souris trimera conviennent mieux que les NOD/SCID à une reconstitution à partir de lymphocytes de sujets infectés par le VIH et à la modélisation des réponses immunitaires se développant dans ce contexte. Dans une première étape, la cinétique de la réplication du VIH sera caractérisée après reconstitution des souris avec des lymphocytes périphériques de sujets infectés par le VIH (soit non progresseurs, soit sous trithérapie avec une charge virale indétectable). Ensuite le partenaire moutschen évaluera l’activité antivirale in vivo de lignées cellulaires transférées de façon adoptive et générées par le partenaire vanham à partir des lymphocytes des patients correspondants. De plus l’efficacité des différents vaccins générés à partir d’APC dans le laboratoire du partenaire berneman sera testée chez les souris trimera, soit sur mode prophylactique (souris reconstituées à partir de lymphocytes de sujets non infectés) soit sur un mode thérapeutique (souris reconstituées à partir de lymphocytes de sujets infectés par le VIH). Ces expériences constitueront aussi une base pour l’étude in vivo d’autres agents thérapeutiques comme les petits rna interférents (partenaire berkhout).