Avertissement


ABSENCE POUR MALADIE ET PRESCRIPTION DE L'INCAPACITE DE TRAVAIL

Prof. dr. D. De Graeve, Prof. dr. R. Maes, UFSIA-SESO


OBJECTIFS DE L'ETUDE

Dans cette étude, il s'agit essentiellement de recherches à des niveaux d'exploration/description et d'exploration/explication. Dans une première partie, nous explorons comment les médecins généralistes accordent les incapacités de travail dans le cadre des relations médecin- patient. Dans une deuxième partie, nous décrivons l'absentéisme en général.

Au micro- niveau, les objectifs se concrétisent en les quatre aspects suivants:

1. La détermination de la durée moyenne de l'incapacité de travail, accordée par les médecins généralistes belges, dans le cas de quatre problèmes de santé bien précis.

2. Le calcul des coûts financiers (c.- a- d. les conséquences économiques) des certificats médicaux prescrits, pour le patient, l'employeur et la société.

3. L'inventaire des caractéristiques propres au médecin et au patient, qui sont importantes lorsque le médecin décide d'accorder oui ou non l'incapacité de travail et lorsqu'il en fixe la durée.

4. La détermination des attentes du patient au moment ou son médecin doit lui accorder un congé de maladie et la juxtaposition de l'opinion du patient et du jugement du médecin.

Une des caractéristiques de cette étude - comme nous l'avons décrit plus haut- est que l'on examine tant les caractéristiques propres au patient que celles propres au médecin.

Au macro- niveau, l'objectif est de comparer l'ampleur de l'absentéisme en Belgique par rapport à la situation dans les pays voisins. Un des éléments principaux est le cadre légal dans lequel se situe l'absentéisme.


I. L'INCAPACITE DE TRAVAIL ACCORDEE PAR LES MEDECINS GENERALISTES

1. Méthode de recherche

Afin de réaliser les objectifs mentionnés ci- dessus, il faut rassembler empiriquement des données. Ceci s'est réalisé par une immatriculation faite par le médecin traitant.

Au départ, 50 médecins généralistes d'Anvers, 52 installés en Flandre Occidentale et 42 provenant de la partie francophone du pays étaient prêts à participer à l'étude. Ils ont été contactés soit par écrit, soit oralement. Seuls 60 % (88 médecins) ont réalisé la totalité de l'immatriculation. Il ne s'agit donc pas d'un échantillon aléatoire.

Nous leur avons demandé de réaliser un certain nombre d'immatriculations pendant 13 semaines (du 4/1/93 au 2/4/93) auprès de patients professionnellement actifs.

Une première sorte d'immatriculation concerne le fait d'accorder oui ou non un congé de maladie pour quatre diagnostics bien délimités: le rhume, la grippe, des douleurs en bas du dos sans irradiation et le surmenage psychique.

Quand un patient, qui fait partie de la population active, se présente chez son médecin avec l'un de ces quatre diagnostics, celui- ci remplit un formulaire d'immatriculation, même s'il ne lui accorde pas de congé de maladie. Il note les données suivantes sur le formulaire d'immatriculation: le diagnostic établi, le genre de contact (visite à domicile ou consultation), si un congé de maladie a été accordé oui ou non, les dates et quelques informations concernant le patient. Ensuite, on demande au médecin quels facteurs (médicaux, ou en rapport avec la famille ou le travail) ont joué un rôle dans la prise de décision concernant le congé de maladie. Finalement, nous examinons les interventions du médecin: la médication prescrite, la biologie clinique, des rayons X, des renvois à des spécialistes, le suivi.

Chaque fois que le médecin traitant remplit un formulaire d'immatriculation pour un des quatre diagnostics, il donne au patient un questionnaire du patient. Celui- ci est lié au formulaire d'immatriculation du médecin par un code spécial, ce qui permet le traitement simultané des deux formulaires. Dans le questionnaire du patient, on demande de donner les informations suivantes: les coordonnées personnelles, la situation de famille, les circonstances de travail, ce qu'il pense du congé de maladie, les motivations d'une éventuelle demande d'un congé de maladie, des questions sur l'état général du patient et sur le soutien social dont il disposait et finalement des questions concernant les dépenses faites durant cette période de maladie.

Une troisième sorte d'immatriculation concerne l'enregistrement, par le médecin traitant, de chaque congé de maladie prescrit à quelqu'un de la population active durant la période d'immatriculation dans des tableaux hebdomadaires. Le jour où les médecins prescrivent le certificat médical, ils notent la durée du congé de maladie accordé. Ces données nous permettent de calculer l'ampleur de tous les congés de maladie prescrits pendant cette période, ainsi que l'importance relative des quatre diagnostics concernés.

A la fin de la période d'immatriculation, on envoie un questionnaire du médecin à chaque médecin, ce qui nous permet d'obtenir les informations suivantes: les coordonnées personnelles du médecin, des informations concernant son cabinet, des remarques concernant la période d'immatriculation, des informations en rapport avec la formation continue et le perfectionnement des médecins et ce qu'il pense de 16 points concernant l'incapacité de travail. Nous examinons également à quel point le médecin adopte une attitude généraliste vs. défensive.

On nous a renvoyé 2223 formulaires d'immatriculation et 1430 questionnaires du patient. Dans les tableaux hebdomadaires, on a enregistré 8238 congés de maladie. Tous les médecins ont rempli un questionnaire du médecin.

2. Quelques indices importants dans le cadre des certificats médicaux

Les tableaux hebdomadaires nous fournissent quelques informations générales concernant l'attribution de l'incapacité de travail. Les médecins prescrivent en moyenne un certificat médical dans 15,3% de leurs contacts avec un patient de la population active, surtout en début de semaine. Dans la plupart des cas, ils prescrivent une absence de courte durée: 97% des certificats sont de moins de 15 jours. La durée moyenne d'un certificat n'est que de 4,8 jours; cette durée est plus élevée en début de semaine et diminue après.

A peu près 23% de tous les certificats concernent l'un des quatre diagnostics sélectionnés. Dans ces cas, la durée moyenne d'un certificat est également de 4,8 jours, le congé de maladie est essentiellement prescrit en début de semaine et la durée moyenne diminue à mesure qu'on s'approche de la fin de la semaine. La fréquence des certificats dans le cas d'un des quatre diagnostics se situe à 86%. Ces indices coïncident avec les conclusions d'autres auteurs, ce qui nous permet de conclure que les médecins de notre échantillon n'ont pas un comportement anormal par rapport à l'attribution des certificats.

Les résultats des diagnostics séparés présentent des différences significatives en ce qui concerne la fréquence et la durée du certificat. Pour un rhume, on prescrit un certificat médical dans 73% des cas avec une durée moyenne de 3,5 jours par (premier) certificat; dans le cas d'une grippe cela se fait dans 89% des cas et pour 4,3 jours, dans le cas de douleurs en bas du dos dans 86% des cas et pour 6,6 jours et enfin dans 92% des cas et pour 7,6 jours dans le cas de surmenage psychique. La durée totale du congé de maladie (y compris les prolongations) est pour chacun des diagnostics légèrement plus élevée, à savoir 3,7 jours, 4,6 jours, 11,2 jours et 12,1 jours pour respectivement un rhume, une grippe, des douleurs en bas du dos et le surmenage psychique.

Nous avons calculé un coût total moyen de 17.900 FB par période d'absence, déterminé en grande partie par la durée de l'absence. Durant son absence, l'employé reçoit de son employeur un salaire garanti (la totalité du salaire pendant 14 jours pour les ouvriers et pendant un mois pour les employés). Dans notre étude, ces coûts salariaux s'élèvent en moyenne à 16.150 FB par période d'absence ou à 3.700 FB par jour d'absence. Dans cette étude, on peut négliger les allocations de l'INAMI et la perte des rentrées prévues de l'INAMI vu qu'il s'agit presque exclusivement de durées d'absence de moins de 14 jours. De même pour les frais médicaux, en moyenne de 1.732 FB par période d'absence, qui sont relativement peu importants comparés aux coûts salariaux.

La plus grande partie des frais qu'impliquent des absences de courte durée (90%) est donc à la charge de l'employeur. L'INAMI vient en deuxième position avec une contribution de 7% à la somme totale; il paie 73% des frais médicaux (et exceptionnellement, il verse un revenu de substitution et il perd de l'argent). Les conséquences financières à charge du patient sont très limitées: 3% du total ou une contribution moyenne de 5OO FB aux frais médicaux.

3. Les raisons pour lesquelles un patient s'absente au travail

Le patient peut invoquer des raisons purement médicales, familiales ou des raisons liées au travail pour justifier son absence. Soixante- cinq pour cent des patients affirment qu'uniquement des raisons médicales sont à l'origine de leur congé de maladie. Des circonstances familiales sont (également) la cause d'une absence dans 10% des cas et la situation au travail dans 17% des cas.

Les femmes, les patients qui ont un niveau de formation plus bas, ceux qui ont un revenu mensuel brut plus bas ou ceux qui travaillent dans le secteur de l'aide sociale invoquent plus souvent des raisons familiales pour justifier leur absence. La part des raisons liées à la situation de travail augmente proportionnellement à l'âge.

Ensuite, nous constatons qu'un mauvais résultat aux Coop Function Charts en rapport avec l'état de santé général, le soutien social et la qualité de la vie, tels qu'ils sont évalués par les patients, orientent une justification médicale moins précise et plus en rapport avec la famille et le travail.

4. Le jugement de l'incapacité de travail par le médecin

Dans sa prise de décision concernant le congé de maladie, le médecin généraliste ne se base pas uniquement sur des facteurs strictement médicaux. Dans 81% de ces décisions, il semble avoir pris en considération des résultats cliniquement objectifs, mais dans environ un cas sur cinq, il ne réussit pas à objectiver les plaintes du patient. L'apport du patient est énorme. Dans 87% de tous les cas, le médecin tient compte de la gravité des plaintes subjectives et dans presque la moitié des cas (45%), il tient compte également de la demande du patient de savoir si oui ou non il peut avoir un congé de maladie (suffisamment long ou plutôt court). Ceci nous montre que le médecin suppose que le patient est de bonne foi, ce qui correspond aux exigences éthiques de sa profession.

Des facteurs liés à la situation de famille ou au travail du patient sont également pris en considération lors du jugement du médecin. Des exemples de facteurs liés à la situation de famille sont: surveiller un membre de la famille malade, des problèmes pour garder les enfants, des problèmes en rapport avec un divorce et du stress causé par l'association des obligations familiales et d'exigences professionnelles. Comme facteurs liés à la situation au travail, et que le médecin prend en considération, on peut citer: les tâches physiques et psychiques, des circonstances physiques incommodantes et l'ambiance de travail (les relations avec les collègues et le supérieur). Mais les médecins généralistes tiennent beaucoup moins compte d'une éventuelle vérification par le médecin-contrôle de l'employeur ou d'une perte de revenu éventuelle (à chaque fois 4% maximum).

Il y a également des différences significatives entre les quatre diagnostics en ce qui concerne le jugement du médecin par rapport au congé de maladie. En cas de rhume, le caractère objectif des plaintes semble être moins important qu'en cas de grippe, alors qu'une mauvaise ambiance au travail ou des problèmes à la maison gagnent de l'importance. Il est frappant de voir qu'un patient enrhumé a lui- même plus de pouvoir de décision concernant son congé de maladie (dans 49% des cas contre seulement 38% en cas de grippe). En cas de douleurs en bas du dos, la pression professionnelle est d'une plus grande importance dans la prise de décision (65 % des cas). La pression professionnelle comprend les travaux très physiques ou psychiques ainsi que des conditions de travail incommodantes comme une position inconfortable, le danger, le bruit, etc. Les facteurs psycho- sociaux provenant de la situation à la maison ou au travail jouent un plus grand rôle en cas de douleurs en bas du dos qu'en cas de grippe. Le fait que les douleurs en bas du dos se comptent parmi les plaintes psychosomatiques se reflète donc dans les certificats des médecins. Les patients qui souffrent d'un surmenage psychique sont jugés de façon très spécifique: l'examen clinique objectif joue un rôle bien plus modeste que la gravité des plaintes subjectives.

Il existe donc un modèle de jugement différent pour chacun des quatre diagnostics mentionnés, qui produit une différence significative au niveau du nombre de jours de maladie accordés selon le diagnostic. De plus, il existe une variation importante entre les médecins lorsqu'ils prescrivent un certificat médical pour incapacité de travail. Selon les cas, la durée moyenne d'un premier certificat, par exemple en cas de grippe, varie entre trois jours minimum et huit maximum. Il existe une répartition analogue pour les trois autres diagnostics.

5. Des facteurs déterminant l'ampleur et les coûts de l'incapacité de travail

Dans l'étude, on a évalué des modèles multi- variables qui pourraient expliquer la probabilité de l'attribution d'un certificat, la durée de l'incapacité de travail du premier certificat et de toute la période de congé de maladie et les frais médicaux (frais médicaux totaux, coût du médecin traitant, la probabilité de se faire prescrire une médication et son coût). Vu le grand nombre de modèles, un commentaire détaillé de tous les effets significatifs nous mènerait trop loin. Nous nous limiterons ici à l'énumération de quelques résultats marquants.

Parmi les facteurs déterminant l'incapacité de travail, nous comptons le jour de la semaine où le certificat est prescrit (seulement en ce qui concerne la durée) et le diagnostic (pour la probabilité et la durée). En outre, plusieurs caractéristiques propres au patient et au médecin apportent des éléments d'explication. Certaines variables exercent un effet contraire sur la probabilité d'obtenir un certificat vs. sur la durée. Nous constatons un effet positif qu'exerce l'absentéisme passé (le nombre d'absences précédentes) sur la probabilité d'obtenir un certificat et inversement pour la durée. Nous constatons un effet négatif qu'exercent le nombre de prestations par semaine et la durée d'une consultation médecin- patient sur la probabilité d'obtenir un certificat médical et inversement pour sa durée. Si le médecin a suivi un ou des cours de perfectionnement, la probabilité d'obtenir un certificat sera moins grande et la durée en sera moins longue. D'autres variables ne sont significatives que dans un des modèles. En général, nous pouvons affirmer que les modèles qui essaient d'expliquer les coûts ne sont pas très convaincants. Il est frappant de voir que le diagnostic n'est pas significatif dans la plupart des cas. Quelques caractéristiques propres au médecin ont un effet significatif (mais pas toujours systématiquement pour les quatre modèles). Les médecins wallons, les médecins situés en zone urbanisée - qui adoptent une attitude plus défensive- et ceux qui manquent d'expérience ou de formation continue, génèrent des coûts plus élevés. Les caractéristiques propres au patient sont moins significatives.

6. Le rôle du certificat médical

En Belgique, de par le caractère obligatoire du certificat médical, les médecins généralistes jouent un rôle important dans l'absentéisme. Dans une certaine mesure, ce système entraîne des frais supplémentaires pour la santé publique. Cette étude, concentrée sur quatre diagnostics montre que l'on pourrait économiser 6% des honoraires des médecins (concernant les visites à domicile et les consultations) si on supprimait l'obligation de présenter un certificat médical en cas d'absence de trois jours ou moins (20% des patients ayant un congé de maladie inférieur à quatre jours, n'auraient pas consulté un médecin si la présentation d'un certificat n'était pas obligatoire. Pourtant, les frais médicaux ne représentent qu'une petite partie des coûts totaux de la période d'absence. Une réduction de l'absentéisme moyen de moins d'1%, dû à l'obligation de présenter un certificat médical compenserait cette augmentation de coûts. Supposer l'existence d'un tel effet, ne nous semble pas illogique. En effet, le certificat semble être une barrière psychologique. Dans cette étude, le seuil à franchir avant de se porter malade se situe à un niveau élevé: un peu plus d'un cinquième des patients qui se sentent malades, continue à travailler pendant plus d'une semaine avant de prendre (eux- mêmes ou le médecin) la décision d'arrêter le travail.

Le caractère obligatoire du certificat a également un effet médical. Bon nombre de problèmes des employés, qui ne sont pas strictement médicaux, sont à l'origine de l'absentéisme. Ces problèmes sont canalisés vers le système médical par l'obligation de présenter un certificat, ce qui légitime les absences. L'employeur rejette alors sur le médecin la responsabilité de la prise de décision concernant l'incapacité de travail. D'ailleurs, dans cette étude, la plupart des gens semblent dépendre en grande partie de leur médecin. Même pour de courtes périodes de maladie de trois jours ou moins, et à cause des maladies virales, 80% des patients préfère consulter un médecin. Peut- on déjà responsabiliser les employés sur le plan de la santé et du travail en supprimant la présentation obligatoire d'un certificat (pour les absences de course durée) ou est- ce encore trop tôt?

D'un autre côté, l'obligation de présenter un certificat peut également inverser l'effet médical. Le médecin généraliste a l'occasion de vérifier les causes profondes du fait de se porter malade. Les plaintes du patient ne sont pas uniquement liées au diagnostic. L'une des compétences les plus importantes du médecin est l'identification des facteurs sociaux et relationnels dans la maladie de son patient. L'étude nous montre que le médecin établit un rapport entre, d'une part, les plaintes du patient et d'autre part, sa situation de travail (l'ambiance au travail, la participation). Souvent, le médecin établit également une liaison entre certaines plaintes du patient et sa situation à la maison. Dans ce cas, le stress causé par l'association des obligations familiales et d'exigences professionnelles joue un rôle important. Il s'agit souvent d'un rapport que le patient lui- même ne décèle pas. En considérant le patient comme un tout, et donc en suivant également la trace de la situation professionnelle, le médecin peut essayer de prévenir une fixation sur des plaintes psychosomatiques. Le médecin traitant peut aller à la recherche d'autres solutions que l'absence pour cause de maladie. Selon nous, un patient qui se plaint de son état de santé à cause de son travail doit être abordé intégralement, de même qu'un patient qui a des maux de tête à cause de problèmes relationnels. Au niveau des services de santé généraux, la suppression du certificat signifie une approche moins intégrale du patient.

Le certificat confirme le caractère légitime de l'absence de l'employé vis- a- vis de l'employeur et des collègues. Pour les employés, ceci est l'argument principal en faveur du maintien du système du certificat. 78% se déclarent partisans du certificat, dans la plupart des cas parce qu'ils sont d'avis que, sans certificat obligatoire, on abuserait des absences au travail. Vu le seuil de tolérance très bas de ceux qui travaillent vis- à- vis de ceux qui s'absentent, le certificat offre aux vrais malades un moyen sûr de rester à la maison pour laisser la maladie suivre son cours.

Le rôle du médecin lors de l'attribution du certificat ne doit cependant pas se limiter à un acte passif de légitimation. Si le médecin décèle des problèmes concernant le travail, il ne les signale pas assez souvent à l'entreprise (au médecin d'entreprise). D'un autre côté, l'entreprise accorde souvent trop peu d'importance au contexte de la maladie des employés. Il existe très peu de concertation entre les médecins traitants, les médecins-contrôle et les médecins d'entreprise. Dans l'étude, plus de 60 % des médecins généralistes pensent qu'une amélioration est nécessaire.

Une minorité de médecins trouve que l'établissement d'un certificat est un obstacle à une bonne relation entre le médecin et son patient. 27% trouvent que ceci vaut pour les certificats valables un jour, 16% pour ceux de 2 jours et 10% pour ceux de 3 jours. Ceux- ci, ainsi que les médecins qui adoptent une attitude défensive, accorderont plus facilement un certificat. Les médecins qui ressentent une surabondance dans leur région, accordent des certificats d'une durée plus longue. Pour ces médecins, l'attribution de certificats est, d'un certain point de vue, un acte imposé. De peur, par exemple, de perdre des patients, ils consentent à la demande du patient, même s'ils ont des doutes concernant la gravité des plaintes.

Pourtant, un peu plus de la moitié des médecins pense que le certificat est un moyen utile dans la thérapie. Ils utilisent l'attribution d'un congé de maladie comme prescription de repos. Le dosage correct d'une thérapie de repos est médicalement aussi important que le dosage correct de médicaments. Même s'il existe de grandes différences entre les médecins dans les jugements de la durée - ou souvent, on termine simplement la semaine-, l'étude montre une différence significative dans la durée d'un premier certificat pour grippe et pour rhume. Ceci indique plutôt un maniement délicat de la durée du certificat. Le fait que, dans son jugement, le médecin se base également sur les absences précédentes du patient va dans le même sens. Ceci arrive surtout en cas de doute concernant la gravité des plaintes. Plus le patient a été absent dans le passé, moins souvent le médecin lui donnera des jours de congé. Le jugement de la durée du congé de maladie n'apparaît pas comme un vrai problème à la plupart des médecins. Seulement un quart d'entre eux attend plus de directives à ce sujet.

Globalement, les patients et les médecins semblent être contents du système de la présentation obligatoire du certificat. Selon nous, les inconvénients possibles du certificat ne compensent pas les avantages.


II. L'ABSENTEISME EN BELGIQUE, AUX PAYS- BAS, EN FRANCE, EN ALLEMAGNE ET AU ROYAUME UNI

Dans la deuxième partie de l'étude, nous comparons le cadre légal par rapport à l'absentéisme et l'incapacité de travail, l'ampleur et les coûts de l'absentéisme en Belgique, aux Pays- Bas, en France, en Allemagne et au Royaume Uni. A ce propos, nous nous limiterons aux employés (dans le secteur privé et si possible dans le secteur public).

1. Le cadre légal

Commençons par les différences (et les ressemblances) dans le cadre légal.

Un premier point important concerne les périodes d'absence ressortissant de la réglementation légale. Dans tous les pays, il existe une différence entre l'incapacité temporaire (ou primaire), qui nous intéresse ici, et l'incapacité permanente (invalidité). La durée maximale de l'incapacité temporaire est différente et va de 28 semaines au Royaume Uni à 52 semaines en Belgique, aux Pays- Bas et en France et même jusqu'à 78 semaines en Allemagne. La portée des dispositions concernant la cause de l'absence est également différente. Aux Pays- Bas, on applique le règlement en cas d'absence au travail causée par une maladie, un accident de travail ou une maladie professionnelle et la maternité. Dans tous les autres pays, il y a une assurance différente en cas de maladies professionnelles et d'accidents de travail. En Belgique, en France et au Royaume Uni, il existe un règlement à part pour le congé de maternité. Enfin, la Belgique est le seul pays ou un autre critère s'applique: durant la période de maladie, on exige un pourcentage minimal d'incapacité de travail de 66,7%.

Le secteur public relève de la même réglementation en France et au Royaume Uni.

Les conséquences financières tant pour l'employeur que pour l'employé diffèrent également. Les employeurs belges et allemands continuent à payer la totalité du salaire de l'employé pendant une certaine période (deux et quatre semaines respectivement pour les ouvriers et les employés en Belgique et six semaines en Allemagne). Aux Pays- Bas et en France, l'employé est immédiatement à charge de la Sécurité Sociale, mais il y a presque toujours un supplément payé par l'employeur (depuis le 1 janvier 1994, quelques changements importants ont vu le jour aux Pays- Bas, à savoir que l'employeur continue à payer le salaire pendant six semaines - deux semaines pour les petites entreprises). Au Royaume Uni, l'employeur se fera rembourser une partie des paiements versés (Statutory Sick Pay, SSP) par la Sécurité Sociale.

Les pertes financières pour l'employé consistent en des jours d'attente où l'on ne reçoit pas de salaire ni d'allocation et en une perte de revenus. Dans la plupart des pays, on a introduit des jours d'attente. Pendant la période d'incapacité de travail primaire, la plus grande perte de revenus est subie en Belgique (seulement après une période de salaire garanti), en France et au Royaume Uni. Par contre, la majorité des employés allemands et hollandais conservent la totalité de leur salaire pendant une longue période.

Les réglementations spéciales pour les maladies professionnelles et les accidents de travail et les réglementations spéciales pour le secteur public, sont généralement financièrement avantageuses pour les assurés (tant au niveau du nombre de jours d'attente qu'au niveau de la durée et du montant des allocations).

Dans la plupart des cas, on exige un certificat médical pour légitimer son absence. En Belgique et en France, on l'exige dès le premier jour; en Allemagne également pour les ouvriers, mais à partir du quatrième jour seulement pour les employés. Au Royaume Uni, le certificat n'est obligatoire qu'après la première semaine d'absence et aux Pays- Bas, il ne l'est pas du tout. Dans tous les pays, on prévoit des procédures de contrôle.

Finalement, il faut mentionner que les réglementations légales existantes sont souvent complétées par des avantages extra- légaux, qu'on connaît cependant mal.

2. L'ampleur de l'absentéisme

Le cadre légal différent se reflète également dans les statistiques d'absentéisme, ce qui rend une comparaison internationale d'autant plus difficile.

Des statistiques d'absentéisme se réalisent dans des instituts nationaux de la Sécurité Sociale ou chez des associations d'entreprises.

Une comparaison internationale des données des associations d'entreprises n'a pas beaucoup de sens. Souvent, les données ne sont pas représentatives, parfois elles sont rassemblées de façon moins sûre (enquête, période d'enregistrement très courte, ...), elles utilisent d'autres définitions de l'absentéisme ou elles notent d'autres indices (par exemple uniquement le pourcentage et non pas la durée ou inversement). Ainsi, comparer les secteurs à l'intérieur d'un pays est déjà une affaire compliquée. L'évolution des statistiques d'absentéisme dans un secteur spécifique, ne nous apprend que peu de choses sur l'évolution de l'absentéisme dans le pays concerné.

Les données provenant des organisations nationales de la Sécurité Sociale, ont l'avantage d'être crédibles et complètes. Néanmoins, il y a également des problèmes si l'on veut comparer sur le plan international. L'information sous forme de statistiques n'est disponible que dans la mesure où il s'agit d'absentéisme donnant suite à un versement d'allocations. Comme nous le montre l'aperçu juridique, il existe des différences entre les critères de qualification et entre les durées de l'attribution des allocations. Ceci crée des différences artificielles dans l'absentéisme enregistré. Une comparaison utile devrait concerner le noyau commun d'absentéisme des différents pays, mais pour ce faire, il nous manque souvent l'information détaillée nécessaire. On doit donc se réfugier dans des estimations (voir Prins, 1992). Cette étude ne nous a pas permis de réaliser ces adaptations.

Pour la comparaison, il ne nous reste que quelques études qui ont rassemblé de façon standardisée des données concernant l'absentéisme dans les différents pays. Les résultats des études comparatives nous montrent sans arrêt la même image. Les Pays- Bas combattent un degré d'absentéisme élevé. En grande partie, on doit chercher l'explication dans le cadre légal, qui favorise l'absentéisme plus que dans les autres pays. Par contre, la Belgique a un meilleur score général (c- a- d. un degré d'absentéisme moins élevé). Selon les informations EUROSTAT, les Belges se situent en- dessous de la moyenne de l'Union européenne. Là aussi, ce sont les réglementations juridiques concernant l'absentéisme et l'incapacité de travail qui ont une grande influence sur l'ampleur des absences. La France et l'Allemagne se situent entre les deux. Le pourcentage d'absents au Royaume Uni se rapproche de celui de la Belgique. En Belgique, on assiste à une certaine stabilisation ou même une légère baisse dans les plus importantes statistiques d'absentéisme.

3. Les coûts de l'absentéisme

Il est évident qu'une comparaison au niveau international des coûts de l'absentéisme n'est pas aisément réalisable. C'est pourquoi nous donnons d'abord une image globale des coûts par pays et nous limitons la comparaison à celle d'une étude comparative.

En Belgique, on ne dispose pas d'information fiable concernant les allocations dans le secteur public et concernant le coût salarial dans le cadre du salaire garanti. Nous disposons uniquement des données concernant les allocations en cas de maladie et d'invalidité dans le cadre de l'INAMI et concernant les accidents de travail et les maladies professionnelles. En 1990, l'INAMI a payé environ 88 milliards FB d'allocations (1,3% du PIB) dont environ 21 milliards FB des cas d'incapacité de travail primaire, 7 milliards FB d'allocations de maternité et 51 milliards FB pour des cas d'invalidité. Les allocations d'accidents de travail (incapacité de travail temporaire et permanente) s'élevaient à environ 17 milliards FB et celles de maladies professionnelles à près de 12 milliards FB. Durant les 10 dernières années, les allocations en prix réels sont restées stables (allocations INAMI pour les maladies et invalidité) ou ont même baissé (allocations pour les maladies professionnelles et pour l'incapacité temporaire en cas d'accident de travail). Seules les allocations d'incapacité de travail permanentes en cas d'accident de travail ont augmenté en termes réels (+60%).

Aux Pays- bas, la situation est complètement différente. Tant le nombre d'allocations accordées dans le cadre de la Loi sur les maladies (incapacité de travail temporaire dans le secteur privé) que dans le cadre de la Loi générale sur l'incapacité de travail et de la Loi sur l'incapacité de travail (invalidité concernant les employés, les indépendants, les handicapés à un jeune âge et d'autres) ont considérablement augmenté durant les 10 dernières années. De même pour le niveau des montants: il est sensiblement plus élevé qu'en Belgique (environ 23 milliards de florins ou 4,6 % du PIB de 1992). C'est pourquoi on a déclaré que la maladie et l'invalidité sont des problèmes politiques, pour lesquels on a récemment promulgué une série de nouvelles dispositions.

En Allemagne, il existe, tout comme en Belgique, une période de salaire garanti. Contrairement à ce qui se passe en Belgique, on dispose de statistiques concernant cette période. On apprend que dans le secteur privé, le salaire garanti représente le coût le plus important durant la période d'incapacité de travail primaire, à savoir 50 milliards de DM en 1991. Ceci par rapport à seulement 10 milliards DM de 'Krankengeld' (indemnité de maladie) versé par la Sécurité Sociale. En 1991, les allocations pour l'invalidité s'élevaient à 21 milliards DM, celles pour les accidents de travail et les maladies professionnelles à 6 milliards DM. Ensemble, cela fait environ 38 milliards DM, à charge de la Sécurité Sociale ou 1,5% du PIB. Les dernières années, la plupart des montants des allocations ont légèrement augmenté. Il n'existe pas de statistiques concernant le secteur public.

En France, les allocations concernent tant le secteur public que le secteur privé et elles couvrent tant les maladies, les accidents et la maternité que les maladies professionnelles et les accidents de travail. En 1990, les allocations pour l'incapacité de travail primaire s'élèvent à 19,7 milliards FF, pour la maternité à 8,5 milliards FF et pour l'invalidité à 14,3 milliards FF. En prix réels, nous constatons une légère baisse durant les 10 dernières années en ce qui concerne les allocations pour incapacité de travail primaire et une légère hausse des allocations pour invalidité et maternité. Les allocations dans le cadre des accidents de travail et des maladies professionnelles s'élèvent en 1990 à 6,2 milliards FF et à 18,4 milliards FF respectivement pour l'incapacité de travail temporaire et permanente. L'évolution de ces allocations en prix réels est également plutôt stable. Les allocations totales pour maladie, invalidité, maternité, maladies professionnelles et accidents de travail s'élèvent à environ 66 milliards FF pour l'année 1990. Ce qui correspond à environ 1% du PIB.

Pour la Grande- Bretagne, nous ne disposons pas de données concernant les allocations en cas de maladie ou de maternité payées par l'employeur. Par contre, nous connaissons les allocations dans le cadre de la Sécurité Sociale. Celles- ci concernent à la fois le secteur public et privé, vu qu'il n'existe pas de réglementation séparée. En 1991, le montant total des allocations s'élève à 5,8 milliards [[sterling]], ce qui représente 1% du PIB. La part la plus importante est à charge des allocations d'invalidité, de l'ordre de 5,5 milliards en cette année. Les allocations d'invalidité sont d'ailleurs le seul poste en expansion dans la totalité des allocations. Tant les allocations pour maladie (273 millions [[sterling]] en 1991) que les allocations pour maternité (31 millions [[sterling]] en 1991) ont considérablement baissé durant les dernières années, à cause d'importants changements dans la législation.

Une étude comparative internationale concernant les allocations pour maladie, invalidité, maternité, accidents de travail, maladies professionnelles dans le cadre de la Sécurité Sociale n'existe pas encore. Eurostat a seulement comparé les allocations pour maladie et invalidité. Tant les allocations payées par les institutions de Sécurité Sociale que par l'employeur ont été prises en considération. Quand on ne disposait pas de statistiques concernant les allocations versées durant la période de salaire garanti, on a établi des estimations (pas toujours basées sur des conclusions scientifiques). On peut en déduire que les Pays- bas consacrent le plus grand pourcentage de leur PIB aux allocations pour maladie et invalidité. La France occupe la dernière position tant pour les allocations pour maladie que pour invalidité, suivie par la Grande- Bretagne avec les allocations pour invalidité et par la Belgique avec les allocations pour maladie. En comparaison avec les autres pays, la Belgique dépense relativement plus pour les cas d'invalidité, ou elle arrive en deuxième position.


Publication:

Ziekteverzuim en het toekennen van arbeidsongeschiktheid.
Prof. dr. R. MAES, Dr. D. DE GRAEVE, UFSIA, 1995

épuisé