Projet de recherche P7/31 (Action de recherche P7)
Les organismes aquatiques subissent un stress lorsqu’un facteur de stress externe les éloigne de leurs conditions physiologiques optimales. Les facteurs de stress vécus par les organismes aquatiques comprennent les changements de température, une nutrition non optimale, la présence de molécules toxiques ou encore les infections. Au cours des dernières décennies, les connaissances concernant les réponses biologiques et écologiques vis à vis de chacun de ces facteurs de stress ont été bien développées à différents niveaux d’organisation (depuis le niveau moléculaire jusqu’à celui de la communauté). Toutefois, le fait de se focaliser sur un facteur de stress à la fois est en contraste total avec la réalité, au sein de laquelle l'action combinée de facteurs de stress multiples sur le biote aquatique constitue la règle plutôt que l'exception. Malheureusement, les connaissances actuelles sur les effets de facteurs de stress multiples demeurent encore trop fragmentaires pour fournir une base scientifique solide. Elles ont de plus été jusqu'à présent trop axées sur des effets facilement observables au niveau individuel. Il y a un manque de compréhension des effets de stress multiples à des niveaux inférieurs (par exemple, moléculaires, cellulaires, immunologiques, physiologiques), ainsi à des niveaux supérieurs (par exemple, population, communauté, écosystème) d'organisation biologique. Par conséquent, le principal objectif scientifique de la présente proposition de projet consiste à étudier les effets de stress multiples dans les systèmes aquatiques à travers plusieurs niveaux d'organisation biologique. Elle a également pour but de vérifier dans quelle mesure les effets de stress multiples se produisant à des niveaux plus élevés de l'organisation peuvent être prédits/expliqués par les observations des effets survenant à des niveaux inférieurs.
Deux disciplines de recherche dans lesquelles l'impact du stress sur les organismes aquatiques relève d'une importance critique sont l'aquaculture (à savoir la production durable de nourriture d’origine aquatique qui soit sûre pour la consommation humaine) et l'écotoxicologie (c'est à dire l'étude des effets des substances toxiques sur les organismes biologiques, en particulier au niveau des populations, communautés et écosystèmes). Traditionnellement, les deux disciplines ont évolué côte à côte, en suivant des approches de recherche et de méthodologie différentes. Nous sommes convaincus des avantages innovants pour les deux disciplines d'une recherche en étroite interaction, en adoptant et développant des outils méthodologiques couvrant les deux disciplines (par exemple via l'utilisation de techniques de cultures gnotobiotiques pour certaines espèces, comme dans la recherche en aquaculture pour contrôler les interférences microbiennes), en travaillant sur les mêmes espèces sélectionnées et en appliquant les mêmes outils analytiques standardisés/inter-calibrés. Notre proposition de projet vise à intégrer les expertises complémentaires (en particulier en ce qui concerne les méthodologies et outils de recherche) entre des équipes de recherche de première classe dans le domaine de l'aquaculture (P1, P5, P6, INT2) et l’écotoxicologie (P2, P3, P4, P5, P6 et INT1). Les interactions entre les deux disciplines seront assurées par la planification de doctorats conjoints entre les laboratoires partenaires.
La problématique des facteurs de stress multiples constitue à l’heure actuelle une des priorités de recherche au sein des deux disciplines, car elle compromet leur base scientifique ainsi que leurs chances d'atteindre leurs objectifs sociétaux. Ce phénomène résulte principalement dans le fait que les effets combinés de facteurs de stress multiples ne sont pas nécessairement simplement additifs. En effet, ils peuvent souvent être « moins qu’additifs » ou au contraire « plus qu’additifs ». Ce sont justement ces interactions (actuellement imprévisibles) qui sont susceptibles de confondre les processus de décision lorsqu'on est confronté à des stress multiples en aquaculture et en écotoxicologie. Etant donné qu’il est impossible d'étudier toutes les combinaisons possibles de tous les facteurs de stress possibles, nous focaliserons notre attention sur quatre combinaisons binaires de quatre facteurs de stress très pertinents au sein des systèmes aquatiques. Ces facteurs, i.e. le stress nutritionnel, le stress chimique (molécules toxiques), le stress thermique et le stress associé aux infections, sont en effet les éléments clés de la santé des écosystèmes et de la productivité de l'aquaculture. Sur base des connaissances obtenues dans ce cadre, nous initierons également des recherches relatives à la combinaison de plus de deux facteurs de stress.
Le principal objectif scientifique de ce projet de recherche sera atteint au travers de la réalisation des objectifs des work packages (WP) suivants :
- WP1: Déterminer les effets combinés du phosphore et du stress par des métaux sur les producteurs primaires et comprendre les bases mécanistiques (moléculaires et physiologiques) des interactions constatées.
- WP2: Déterminer les effets combinés de la qualité nutritionnelle (et non de la quantité) et du stress par des métaux sur le zooplancton et le rôle spécifique de certains éléments nutritionnels.
- WP3: Déterminer l'effet combiné du stress nutritionnel (oligotrophes vs eutrophes) et par des métaux sur des micro-algues et sur la dynamique algue-zooplancton, ainsi que le rôle potentiel du phosphore et du stress par un métal sur les producteurs primaires et leurs effets en cascade sur la qualité nutritionnelle le long de la chaîne alimentaire.
- WP4: Déterminer l'effet de la qualité nutritionnelle, du statut lipidique des tissus et de lipides sélectionnés sur la réponse des cellules des poissons, des tissus et des individus au stress métallique.
- WP5: Déterminer l'effet de nutriments sélectionnés sur la fonction immunitaire et le stress infectieux chez des vertébrés (poissons) et des invertébrés (crevettes) aquatiques.
- WP6: Comprendre les mécanismes moléculaires et physiologiques impliqués dans les effets combinés du stress thermique et des métaux dans des scénarios d'exposition réalistes (simultanés et séquentiels; aiguë et chronique).
- WP7: Déterminer l'importance des effets trans-générationnels d’une combinaison de stress thermique et par des métaux, et le rôle possible du contrôle épigénétique.
- WP8: Déterminer l'impact du stress thermique sur la susceptibilité à l'infection, y compris le contrôle épigénétique possible.
- WP9: Déterminer les effets combinés d’un stress nutritionnel (P), d’un stress thermique et d’un stress par des métaux sur le fonctionnement et la structure d’une communauté pélagique d'eau douce, par des expositions en microcosmes et des écosystèmes modèles, et étudier si les modes d'interaction complexes peuvent être expliqués / prédits à partir des effets observés au niveau individuel.
- WP10: Pour déterminer les effets des combinaisons de facteurs de stress multiples sur le poisson-zèbre, espèce modèle entièrement caractérisée au niveau génétique, dans des scénarios d'exposition chronique. Cartographie et interprétation des effets observés aux niveaux transcriptomique, protéomique et métabolomique pour révéler le mode d'action et explorer les liens fonctionnels entre les effets au niveau moléculaire et des organismes.
Comme l'étude de facteurs de stress multiples est complexe tant en termes de méthodologies expérimentales que d’interprétation, des systèmes modèles et des technologies fiables, bien connues et de qualité sont nécessaires, y compris (i) l'utilisation d'organismes modèles dont le génome est totalement ou en grande partie connu, (ii) l'utilisation d'outils «omiques» de pointe pour répondre à certains de nos objectifs spécifiques, (iii) l'utilisation de systèmes de tests axéniques / gnotobiotiques (visant l'élimination des interférences microbiennes afin de réduire la variabilité). Les organismes expérimentaux sélectionnés sur base de la disponibilité de systèmes de culture et d'outils gnotobiotiques et «omiques» ainsi que les informations génomiques comprennent:
- Pour l'environnement d'eau douce: l’algue Chlamydomonas, l’invertébré Daphnia ainsi que les poissons-zèbres (Danio rerio) et la truite arc-en-ciel (Oncorhynchus mykiss)
- Pour le milieu marin: l'invertébré Artemia et le bar européen (Dicentrarchus labrax)
Le projet IAP « AquaStress » sera géré à deux niveaux organisationnels: au niveau du réseau et au niveau des WP:
- Sur une base trimestrielle, le coordinateur convoquera le comité de gestion (composé du coordinateur et des coordonnateurs de WP, avec l'assistance d'un conseil consultatif) pour examiner l'avancement du projet et les problèmes, encourager l'interaction WP et discuter des questions stratégiques.
- Chaque WP fonctionne sous la direction de un (ou deux) coordinateur(s) qui assurera (assureront) le suivi des activités scientifiques au sein du WP et sera (seront) éventuellement assisté(s) par les doctorants communs affectés à la coopération entre les WP.
Le coordinateur IAP organisera dans le cadre du projet:
- Une formation spéciale sur le développement et l'utilisation de systèmes de culture gnotobiotiques pour tous les doctorants et le personnel impliqués dans le projet (organisé par P1, à l'été 2012).
- Une journée d'information annuelle extraordinaire pour examiner et documenter les différentes technologies disponibles au sein des institutions partenaires ou au sein de leurs réseaux.
- Un atelier annuel d'une journée avec des rapports d'étape de tous les coordinateurs de WP.
- Un forum trimestriel destiné aux doctorants afin de stimuler les interactions scientifiques et sociales au travers des différentes disciplines.
- Un service intranet pour faciliter la communication, l'échange de littérature scientifique et des rapports, etc.