Projet de recherche DR/93 (Action de recherche DR)
Depuis plus de 35 ans d'existence internationale de Salles de Consommation à Moindre Risque (SCMR), de nombreuses preuves scientifiques ont été accumulées à propos de leurs effets. Quatre domaines principaux ont été systématiquement explorés : (1) des indicateurs de santé publique liés à la population de Personnes qui Utilisent des Drogues (PUD) (par exemple, la mortalité ou la morbidité), (2) les caractéristiques de la population-cible des utilisateurs des SCMR et leurs profils et comportements de consommation, (3) les effets environnementaux des SCMR sur leur voisinage, en ce compris la sécurité publique, les nuisances publiques et la criminalité locale, et (4) la capacité des SCMR à contribuer au processus de réhabilitation et de rétablissement des PUD, en ce compris l'accès à d'autres services sociaux et de santé. Une importante quantité d'études publiées ont montré que les SCMR obtenaient des effets positifs significatifs, tout en indiquant que la plupart des effets négatifs supposés, tels que l'augmentation de l'usage de drogues ou de la criminalité acquisitive, ou un effet d'attraction des PUD vers le voisinage des SCMR, n'étaient pas démontrés.
Toutefois, malgré la quantité d'études réalisées, plusieurs revues de littérature indiquent que la qualité des preuves scientifiques est modérée. Une grande partie des évidences proviennent d'études observationnelles et transversales et ont été réalisées sur un nombre limité de services, principalement à Sydney, à Vancouver, à Barcelone, et plus récemment en France. Les quelques rares études comparatives et longitudinales qui ont été menées ont évalué les incidents d'overdose, l'accessibilité au matériel de consommation, aux pratiques de consommation à risque et à la criminalité. C'est un paradoxe que les SCMR les plus anciennes, et que la plupart des SCMR, soient établies en Europe, mais que la plupart des études aient examiné les SCMR qui sont établies hors d'Europe.
C'est en considérant ce contexte que l'étude REVE-DROOM inclut une étude principale accompagnée d'une suite d'actions de recherche complémentaires visant à évaluer les deux SCMR qui sont aujourd'hui établies en Belgique (“Såf ti”, ouverte à Liège en 2018 ; et “Gate”, ouverte à Bruxelles en 2022), ainsi que deux sites contrôle dans des zones urbaines similaires, soit les environs des MASS d'Anvers et de Gand. L'étude principale consistera en une expérimentation naturelle, longitudinale et comparative. Des données à propos des usagers des deux SCMR seront collectées en continu et comparées à deux moments dans le temps (après 6 mois et 18 mois plus tard), ainsi qu'entre les deux sites. Ces données incluront un ensemble d'indicateurs validés sur les comportements de consommation à risque (résultat principal), la morbidité et la mortalité, comme lors d'études antérieures. De plus, l'étude prendra aussi en considération des éléments de la trajectoire de rétablissement (personnel) des usagers en évaluant des indicateurs d'intégration sociale, de besoins en soins rencontrés ou non-rencontrés, de qualité de vie et de rétablissement personnel.
Les actions de recherche complémentaires comprennent : (1) une étude environnementale des sites, tant les zones témoin que les zones contrôle, (2) une exploration en profondeur des PUD (à risque) et de leurs trajectoires de rétablissement dans le cadre d'une recherche-action communautaire avec des pairs-chercheurs, (3) une analyse coûts-bénéfices des SCMR en comparaison avec les MASS et d'autres services de réduction des risques, et (4) un examen du cadre légal et de gestion des SCMR existantes.
On attend que le projet REVE-DROOM ait plusieurs impacts majeurs, tant sur l'état des connaissances scientifiques que sur les services et politiques publiques, ainsi que sur la santé et la qualité de vie des PUD. En particulier, on espère que l'étude renforcera les connaissances sur l'efficacité potentielle des SCMR, non seulement pour réduire les conséquences néfastes de l'usage de drogues pour les individus concernés et la société, mais également en tant que stratégie-clé en vue de soutenir le rétablissement personnel des PUD les plus à risque et les plus marginalisés socialement. Il faut également noter qu'il y a eu récemment une importante augmentation du nombre de SCMR qui se sont établies dans toute l'Europe, et que ces nouvelles SCMR incluent de nouvelles modalités de fonctionnement, d'une part, et sont confrontées à de nouvelles pratiques de consommation et de nouveaux comportements à risque, d'autre part. Dès lors, la présente étude vise à réélaborer les évidences scientifiques en tenant compte le contexte de l'usage de drogues qui est en perpétuelle évolution. C'est pourquoi on espère que des indicateurs d'évaluation innovants en lien avec le rétablissement personnel et les ressources propres des usagers puissent être testés et éventuellement suggérés pour d'autres évaluations ou pour le monitoring des SCMR, ailleurs en Belgique s'il devait s'en établir d'autres, ou en Europe. C'est pour cela que le consortium d'étude collaborera de manière étroite avec les instituts nationaux (Sciensano) et internationaux (OEDT) qui réalisent un monitoring en routine des services pour les PUD.
Ainsi, on attend aussi que l'étude fournisse des recommandations aux institutions concernées et aux autorités quant aux cadres scientifique, légal, et managérial des SCMR en vue d'optimiser leurs effets sur la santé et la sécurité publiques. De la sorte, l'étude vise également à clarifier le statut légal des SCMR en Belgique et, potentiellement, à suggérer des solutions organisationnelles qui pourraient également être envisagées ailleurs. Enfin, la présente étude espère avoir un impact majeur sur la santé et la qualité de vie de la population générale, car on sait que les SCMR n'agissent pas seulement sur la santé et la qualité de vie des usagers, mais aussi contribuent à améliorer la qualité de vie de tous les résidents de quartiers souvent socialement défavorisés.