Koen Lefever
Oui, mais .... Comme vous pouvez le lire dans la contribution sur le SBEP (partenariat sur l'économie bleue), les océans offrent de nombreuses possibilités pour la production alimentaire, l'approvisionnement en énergie, la création d'emplois, etc. De plus en plus, l'exploitation minière des fonds marins devient également une possibilité technique. Les nodules polymétalliques, appelés aussi "nodules de manganèse", qui reposent sur le lit océanique, contiennent d'importantes réserves potentielles de nickel, de cuivre et de cobalt (présentes dans les batteries, par exemple, des voitures électriques et des téléphones portables).
L'exploitation minière des fonds marins est-elle une alternative à l'exploitation minière terrestre ? Mais quel est son impact global ? Ces écosystèmes situés à 4000 m de profondeur et plus sont encore largement inexplorés. Quel impact l'exploitation des nodules de manganèse peut-elle avoir sur l’environnement dans les océans ?
L'interaction entre les océans et l'atmosphère est une question cruciale, car les mers et les océans fournissent 50 % de notre oxygène, absorbent 25 à 30 % des émissions mondiales de CO2 et quelque 90 % de la chaleur supplémentaire résultant de ces émissions.
C'est peut-être la question la plus actuelle, mais certainement pas la seule qui attend encore des réponses sur la relation entre l'homme et l'océan. La présence de microplastiques dans l'environnement et donc, par exemple, dans la chaîne alimentaire, avec toutes les questions et les risques qu'elle comporte, est un autre sujet brûlant.
La connaissance des océans implique de nombreux partenaires : des habitants des zones côtières à un large éventail de secteurs économiques (pêche, aquaculture, transport, communication, tourisme, extraction de sable, énergie éolienne, solaire et marémotrice...) ; elle implique également des organisations non gouvernementales de défense de l'environnement, des intérêts militaires et presque tous les citoyens du monde se posent des questions sur les mers. Une approche interdisciplinaire et internationale est donc nécessaire.
JPI Oceans est une plateforme paneuropéenne au sein de laquelle 19 pays ont rassemblé leurs stratégies et priorités nationales.
La Belgique, avec la Norvège et l'Espagne, a été le berceau de JPI Oceans en 2010. Notre pays y est représenté par BELSPO et par le Département de l'économie, de la science et de l'innovation (EWI) du gouvernement flamand. Ensemble, ils financent la contribution belge à JPI Oceans, la mer du Nord étant une compétence fédérale et la côte une compétence flamande.
Le résumé suivant montre le long chemin parcouru au cours des 15 dernières années.
Aspects écologiques de l'exploitation minière en eaux profondes :
BELSPO a soutenu l'Institut des Sciences Naturelles (IRScNB) pour participer, avec l'UGent, au projet MiningImpact1 
(2015 - 2017) concernant les effets à long terme de l'exploitation des nodules de manganèse sur les habitats en eaux profondes, plus particulièrement sur la zone de fracture de Clarion Clipperton dans le Pacifique.
MiningImpact2 (2018 - 2022) avec l’IRScNB et l’UGent, est allé plus loin et a étudié des aspects tels que l'impact environnemental du dépôt de sédiments par l'exploitation minière en eaux profondes, la résilience de la biodiversité dans les environs et l'impact sur la vie dans les fonds marins. Dans ces deux premiers projets, BELSPO a investi 600 k€.
Actuellement, BELSPO prend la direction d'un troisième appel à projet : Announcement: new JPI Oceans Joint Call on the ecological aspects of deep-sea mining (Closed) | JPI Oceans (jpi-oceans.eu)
Ce projet soutiendra le travail de l'Autorité internationale des fonds marins (« International Seabed Authority »). Il développera certains aspects précédents mais examinera également la gestion et les aspects éthiques et sociaux de l'exploitation minière en eaux profondes.
Dans ce troisième appel, BELSPO apporte 350k€ pour la recherche et 500k€ pour l'utilisation de son navire océanographique RV Belgica.
La science du climat pour les océans
Ce projet se déroule en collaboration avec le JPI Climate.
BELSPO soutient la recherche de l'IRM sur l'influence des changements de la surface des océans sur le temps et le climat (projet ROADMAP ).
Il y a également un soutien financier pour l'UCL dans le projet MEDLEY , sur l'absorption de chaleur et de CO2 par les océans, et pour l'ULiège pour la participation au projet CE2COAST , qui fait des simulations sur l'avenir des océans dans les 80 prochaines années, basées sur les évolutions des 40 dernières années. Ces trois projets bénéficieront d'un investissement de 673k€.
Le bruit sous-marin en mer
L'impact du bruit d’origine humaine est un facteur important pour la vie et l'avenir des océans. L'Institut des sciences naturelles analyse l'impact des parcs éoliens dans le cadre du projet PURE WIND et l'UGent combine les sons des parcs éoliens avec ceux de la navigation dans le cadre du projet ORCHESTRA . Pour l'ensemble de ces deux études, BELSPO a dégagé 493k€.
Polluants dans l'eau de mer
Avec les JPI "Water" et "Antimicrobial Resistance", une étude des résidus d'antibiotiques et de la résistance aux antibiotiques dans l'environnement marin est en cours. L'ILVO (Institut de recherche en agriculture, pêche et alimentation) participe à ce projet PARRTAE . BELSPO finance cette recherche à hauteur de 250 k€.
Microplastiques
Cet aspect de la pollution, avec son impact potentiellement néfaste sur la vie marine et finalement sur l'homme, fait l'objet de nombreuses recherches. BELSPO soutient trois projets.
Le projet ANDROMEDA affine les techniques de comptage des microplastiques et étudie également leur dégradation dans l'environnement marin. VLIZ et ILVO participent à ce projet.
Le projet HOTMIC étudie la distribution horizontale et verticale des microplastiques. L'Université de Gand est partenaire dans cette recherche. La recherche RESPONSE , avec l'Université d'Anvers, modélise les risques de pollution par les microplastiques sur base de données probantes.
BELSPO investit 728k€ dans ces trois projets sur les microplastiques.
Kowledge Hubs
Quelques "Knowledge Hubs" sont également actifs au sein de JPI Oceans, c’est-à-dire des groupes pivots pour la transmission de connaissances. Par le biais d'actions ciblées, ces groupes d'experts visent à contribuer à un meilleur échange entre les scientifiques de différentes disciplines, mais aussi entre les scientifiques et les décideurs politiques. BELSPO est par exemple impliqué dans la publication d'une étude, par JPI Oceans et JPI Climate, sur l'élévation du niveau de la mer. L'Institut des sciences naturelles collabore à un rapport sur l'effet cumulatif de toutes les activités humaines possibles sur les mers. Une initiative similaire est prévue à partir de 2025 sur l'exploitation minière en eaux profondes, à laquelle participeront les différentes parties prenantes.
Le Knowledge Hub Science for Good Environmental Status (S4GES ) est un centre de connaissances qui travaille dans le contexte de la directive-cadre "Stratégie pour le milieu marin" de l'Union européenne (MSFD ). Belspo est représenté par l’IRScNB, qui a organisé la croisière internationale de recherche RV Belgica en mer du Nord en juillet 2022.
Pour plus d'informations, voir le site web JPI Oceans .
Koen Lefever est docteur en philosophie (VUB) et spécialisé en logique et philosophie des sciences.
Il travaille actuellement comme gestionnaire de programme chez BELSPO où il gère des projets de recherche marine.
